Avec notre envoyé spécial à Vilnius, Quentin Dickinson
Ce sommet devait être un moment décisif de la politique de rapprochement que les 28 pays de l’Union européenne entendent mener vis-à-vis de six États de l’ancienne URSS : l’Ukraine, la Géorgie, la Moldavie, l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Biélorussie.
Mais l’Arménie était en retrait, puisqu’elle vient de se soumettre à l’Union douanière offerte par Moscou, et la Biélorussie est hors jeu, en raison des graves atteintes aux droits de l’homme dont se rend coupable le régime autoritaire qui s’y maintient.
Des accords a minima
Tous les efforts diplomatiques européens s’étaient donc concentrés depuis plus de cinq ans sur l’Ukraine, qui devait ce vendredi matin signer un vaste accord d’association avec l’UE. Mais cette perspective a été balayée par les pressions du Kremlin et par le jeu malhabile du président ukrainien Viktor Ianoukovitch. À vouloir créer une concurrence dont il compte bénéficier entre l’UE et la Russie, celui-ci n’est finalement pas loin d’être fâché avec les deux.
Finalement, pas de coup de théâtre en Lituanie, où les Européens ont dû se contenter de deux et non trois signatures. Et c'est bien ce seul renoncement qui marque les esprits.
Le tout maintenant est de savoir si ce renoncement est permanent ou s’il se veut simplement tactique. Le président ukrainien Viktor Ianoukovitch, vient de faire savoir qu’il entendait malgré tout, signer l’accord d’association que l’Union européenne lui propose, dans un avenir proche, selon sa propre expression.
→ A (RE)LIRE : Partenariat oriental à Vilnius: l'aimant russe trop puissant pour l'UE?
L’UE laisse la porte ouverte
Ce sommet, qui se voulait historique, se réduit donc à une poignée d’accords techniques à parapher avec la Géorgie et avec la Moldavie, ainsi qu’à la signature d’une facilitation de l’octroi de visas aux ressortissants de l’Azerbaïdjan. On est donc loin du grand dessein d’une Europe démocratiquement reconstituée, et le poids diplomatique de l’UE vient de subir un nouveau revers.
Mais les dirigeants européens ne comptent pas pour autant laisser l’Ukraine retourner dans le giron de la Russie. Dès hier soir, Angela Merkel en tête, ils se sont employés à souligner que l’offre faite à l’Ukraine reste valable et que Kiev peut à tout moment reprendre la discussion. De son côté, Viktor Ianoukovitch s’est bien gardé de donner l’impression de vouloir rebasculer dans le camp russe en adhérant à l’Union douanière promue par le Kremlin.
Dans ce genre de relation de bloc à bloc, en effet, rien n’est jamais définitif. Et dans la durée, loin de toute idéologie politique ou de souci d’image, seuls prévaudront les intérêts économiques de chacun.
→ A (RE)LIRE : Sommet de Vilnius: que restera-t-il du partenariat oriental de l’UE après la volte-face de l’Ukraine?
■ ANALYSE : « On oblige l'Ukraine à faire un choix qui est impossible »
Qu'est-ce que cette décision de l'Ukraine de suspendre ses négociations avec l'Union européenne nous dit des relations actuelles entre l'UE et la Russie ? L'élcairage de Jean Radvany, spécialiste de la Russie à l'Inalco.
« On connaît la position de Vladimir Poutine. Il est le président d’une Russie affaiblie qui est en train de remonter la pente et qui cherche à consolider cette ascension. Il a clairement énoncé les intérêts qu’il considère comme stratégiques de son pays, et l’Union européenne, depuis plusieurs années, ne veut pas en tenir compte.
Je trouve qu’il y a un manque de souplesse totale de la position russe, c’est évident, et les Russes réutilisent les mêmes moyens de pression. Mais de son côté, l’Union européenne a très mal préparé cette affaire. On continue de faire comme si la Russie n’avait pas d’intérêt, comme si la Russie était un adversaire plutôt qu’un possible partenaire. Et ça, je crois que c’est navrant, et en particulier par rapport à l’Ukraine.
L’Ukraine est un pays faible, un pays divisé, dont plus de la moitié de la population souhaite effectivement un rapprochement avec l’Union européenne, mais il ne peut pas vivre sans de bonnes relations avec la Russie. On les oblige à faire un choix qui est impossible. Il y a de la part des Européens une cécité qui est troublante. »