Le Partenariat oriental est un accord d'association, un cadre que l'Union européenne a commencé à élaborer à partir de 2009. Il devrait faciliter les échanges économiques et la circulation en Europe des ressortissants des six pays de l’espace ex-soviétique. Charles Urjewicz, professeur à l'Institut national des langues et civilisations orientales de Paris, pense que le sommet de Vilnius reste une belle opportunité d’ouverture, mais il met en garde les ressortissants des pays concernés contre « l’illusion de se rapprocher très rapidement de l’Union européenne, d’y accéder d’une certaine manière, car c’est l’accession à l’Union qui fait rêver beaucoup de ceux qui vivent dans les Etats postsoviétiques ».
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La volte-face de l'Ukraine, sous la pression de la Russie qui veut avoir sa propre Union douanière, a été un véritable coup de théâtre mais ce n'est pas la première déconvenue du partenariat oriental. Isabelle Facon, chercheur à la Fondation pour la Recherche stratégique rappelle que « l’Azerbaïdjan est réticent et que l’Arménie avait annoncé dès le mois de septembre qu’elle allait rejoindre l’union douanière mise en place par la Russie ». Quant à la Biélorussie, le régime totalitaire du président Loukachenko n’incite guère les 28 à avancer vers un accord d’association.
L’Ukraine reste le pays pivot de la région
La Moldavie est très pro-européenne, mais là aussi des problèmes persistent. Une bonne partie de son territoire, la Transnistrie, a fait sécession depuis une vingtaine d’années et des troupes russes y sont stationnées. Quant à la Géorgie, elle aussi, se rapproche petit à petit du giron de Moscou, alors qu’il y a quelques années, sous le régime du président Mikhaïl Saakachvili, elle voulait à tout prix se rapprocher de l’Occident.
On voit bien que l’Ukraine reste le pays pivot de la région, surtout à cause de sa taille et de sa population de près de 50 millions d’habitants. Charles Urjewicz explique que le choix de l’Ukraine de se rapprocher de Moscou au détriment de l’Union européenne n’est pas dû uniquement au fait que le président Viktor Ianoukovitch est pro-russe. « L’industrie lourde ukrainienne reste grande consommatrice d’énergie et Kiev se fournit en énergie, surtout en gaz, auprès de Moscou. Le marché russe reste très important pour l’Ukraine, non seulement pour l’industrie agroalimentaire, mais aussi, par exemple, pour l’industrie automobile ».
La Russie veut une Europe bipolaire
En l’absence d’avancées notables lors du sommet de Vilnius, un nouveau cadre se dessine, celui d’une Europe bipolaire, souhaitée depuis longtemps par la Russie. Pour Isabelle Facon, « cela s’explique par une certaine frustration de Moscou par rapport au nouvel ordre européen tel qu’il s’est établi après la guerre froide ». La Russie se sent isolée et elle veut donc constituer autour d’elle un ensemble basé sur des accords économiques assez étroits, avec des implications politiques.
Pour l’heure, Moscou semble avoir pesé de tout son poids pour dissuader l’Ukraine de signer l’accord d’association avec le Partenariat oriental. Celui-ci, étant donné la position annoncée par Kiev, semble avoir du plomb dans l'aile. Les pro-européens ukrainiens se sont fortement mobilisés ces derniers jours, mais ils savent déjà que leur combat pour se rapprocher de l’Union européenne sera de longue haleine.