Avec notre envoyée spéciale à Kiev, Anastasia Becchio
Les haut-parleurs, qui s’étaient tus durant quelques heures au petit matin, ont repris du service. Une nouvelle journée de mobilisation s'annonce. Ce mardi matin, il n’y a pas encore grande affluence sur la place de l’Europe où l’opposition a installé des tentes : quelques dizaines de personnes, qui agitent des drapeaux blancs, rouges ou bleus, de divers partis de l’opposition et bien sûr des drapeaux européens. Mais le gros des troupes a quitté la place, soit pour aller se réchauffer, se reposer, soit pour aller travailler ou suivre des cours à l’université. Une nouvelle manifestation est prévue en fin de journée dans la capitale ukrainienne, en attendant, les militants pro européens s’organisent pour tenter d’inscrire leur mouvement dans la durée. Assise à une table derrière la scène dressée sur la place de l’Indépendance, Dacha, étudiante, note les noms des volontaires qui se présentent. Il faut stocker et distribuer des vêtements chauds, du thé, de la nourriture, et accueillir les gens qui arrivent de province pour grossir les rangs des manifestants. L’objectif est de tenir jusqu’à jeudi, jour du sommet. Mikhail est venu du bassin minier du Donbass pour tenter de faire plier le gouvernement : « J’ai fait 12 heures de route, on était un groupe de 12. On nous a arrêtés plusieurs fois sur la route pour des vérifications, on nous a retiré nos drapeaux, on nous en a même cassé. On espère pouvoir tenir bon jusqu’au bout, jusqu’à la victoire ».
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Les partisans du rapprochement de l’Ukraine avec l’Union européenne entendent maintenir la pression sur le gouvernement. Ils estiment que rien n’est encore joué et qu’il y a une possibilité de faire bouger les lignes avant le sommet du partenariat oriental de l’Union européenne jeudi à Vilnius. «Nous allons continuer de manifester tant que l'accord ne sera pas signé», a expliqué l'opposant et champion du monde de boxe Vitali Klitschko, qui a passé une bonne partie de la nuit sur la place de l'Europe entouré de manifestants.
Le président Ianoukovitch est sorti de son silence
Le président devrait s’adresser au peuple ukrainien dans les jours qui viennent. Victor Ianoukovitch est d’ailleurs sorti lundi du silence qu’il observait depuis la semaine dernière, depuis que son chef du gouvernement a annoncé la suspension des négociations d’association avec l’Union européenne. Il a fait une première déclaration dans laquelle, il a tenté de se poser en bon père de famille défendant les intérêts de ses enfants et appelant à la paix. «Parfois, je suis obligé de prendre des décisions difficiles et je risque d'être incompris (...). Mais je ne ferai jamais rien au détriment de l'Ukraine et de son peuple, je veux que les gens le sachent», a expliqué le chef de l’Etat ukrainien dans une vidéo mise en ligne sur le site de la présidence.
Les experts estiment que Victor Ianoukovitch continue en réalité de négocier en sous-main avec les uns et les autres. Deux voies principales s'offrent à lui : faire des concessions à l'opposition ou employer la manière forte contre les manifestants. Cette option l'éloignerait encore plus de l'Union européenne, ce qu’il cherchera sans doute à éviter : le chef de la diplomatie ukrainienne a d’ailleurs fait savoir que Victor Ianoukovitch se rendrait à Vilnius jeudi.