Le Vatican et le Kremlin se retrouvent sur la nécessité d'une solution pacifique de la crise en Syrie, et sur le besoin de protéger les chrétiens d'Orient. Rappelons que le 5 septembre dernier, le pape François a écrit à Vladimir Poutine, en tant que président du G20, pour qu'il travaille à une issue pacifique au conflit syrien. Le Kremlin s'était alors félicité que le nouveau pape ait fait campagne contre une solution militaire. Le succès de la diplomatie russe sur ce dossier a contribué a rapprocher un peu plus Moscou et le Vatican. Et puis le pape François n'est pas un Européen. Pour le Kremlin, c'est peut-être la promesse d'une relation plus détendue.
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D'autre part, historiquement, les chrétiens d'Orient ont longtemps été protégés par la Russie orthodoxe des tsars. Après la création de l'Union soviétique et l'affaiblissement de l'Eglise orthodoxe russe, cette mission de protection des chrétiens d'Orient a été dévolue à Rome et aux pays catholiques d'Europe occidentale. Mais la sécularisation de l'Occident a affaibli son rôle dans cette région du monde, au moment même où l'Eglise orthodoxe russe connaît un regain de vitalité, et où Vladimir Poutine s'appuie sur l'Eglise pour renforcer son influence. L'Eglise orthodoxe russe, avec l'appui du Kremlin, entend donc bien retrouver un rôle important au Moyen-Orient.
Les deux Eglises se rapprochent...
Donc, même si le Kremlin dit qu'il ne parle pas au nom de l'Eglise orthodoxe de Russie, cette visite s'inscrit quand même dans la cadre du dialogue entre l'Eglise orthodoxe et catholique.
D'ailleurs, ce n'est sans doute pas un hasard s’il y a eu un échange au plus haut niveau récemment, exactement le 12 novembre. Le métropolite Hilarion, qui est numéro 2 du patriarcat de Moscou, était reçu par le pape, tandis que le cardinal Angelo Scola , archevêque de Milan, était accueilli à Moscou par le patriarche orthodoxe Kirill.
Dans une interview au quotidien Le Figaro, le métropolite explique que les orthodoxes ont apprécié les prises de position du pape François jusqu'à maintenant. Les deux Eglises se retrouvent notamment sur la défense des valeurs chrétiennes traditionnelles.
... mais une visite du pape en Russie est exclue
Il y a encore au moins un gros obstacle à surmonter pour espérer une visite du pape en Russie : c'est le conflit non résolu entre orthodoxes russes et catholiques grecs d'Ukraine, ceux que l'on appelle les « Uniates ». Leurs rites sont proches des orthodoxes, mais avec une théologie catholique. Longtemps, ils ont été rattachés au patriarcat de Moscou. Mais à la fin des années 1980, la plupart des cathédrales qui appartenaient au patriarcat de Moscou, lui ont été retirées. Et l'ancien pape Jean Paul II n'est pour rien dans cette résurrection de l'Eglise uniate. Le siège de cette Eglise est maintenant à Kiev, ce qui agace au plus haut point Moscou, d'autant que les Russes considèrent l'Ukraine comme le berceau de l'orthodoxie.
Pour le clergé orthodoxe, tant que ce conflit n'est pas réglé, une visite du pape est exclue. Pour une majorité de la population russe en revanche, d'après un récent sondage d'un centre de recherche indépendant, une rencontre entre le pape et le patriarche orthodoxe serait plutôt une bonne chose.
En fait, pour les catholiques une telle rencontre pourrait être un point de départ à la résolution des différends entre les deux Eglises chrétiennes, tandis que pour les orthodoxes, il s’agirait d'un point d'achèvement, d'un couronnement, après l'aplanissement des désaccords.
Dans ces conditions, l'idée est évoquée, surtout du côté du Vatican, d'une rencontre entre le patriarche Kirill et le pape François, dans un pays tiers. Mais on en est encore loin.
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