Municipales au Kosovo: des incidents dans les zones serbes portent un coup dur au scrutin

Le Kosovo votait, dimanche 3 novembre, pour renouveler les assemblées municipales : un test pour la mise en oeuvre de l'accord de normalisation des relations entre Belgrade et Pristina. Un scrutin, surveillé de près, qui a pourtant tourné court dans le nord du pays, majoritairement peuplé de Serbes.

Avec notre envoyé spécial à Mitrovica, Jean-Arnault Dérens

Il a suffi de quelques minutes pour enterrer le processus de normalisation de la situation dans le nord du Kosovo, dont l’enjeu était la participation des Serbes, majoritaires dans cette partie du territoire. Peu avant 17 h dimanche, des hommes masqués ont attaqué deux bureaux de vote de Mitrovica, emportant les urnes. L’identité de ces assaillants demeure encore incertaine, mais le processus électoral a été immédiatement arrêté dans l’ensemble du nord du pays, évacué par tous les représentants de l’Organisation pour sécurité et la coopération en Europe (OSCE, chargée de superviser le scrutin).

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Tandis que les soldats de la Kfor, la force de l’Otan dans la région, patrouillaient dans les rues, et que des hélicoptères survolaient le ciel de Mitrovica, la région semblait revenue à ses vieux démons. De toute manière, la population serbe n’avait pas suivi les appels de Belgrade et avait très largement boycotté les urnes. A 16h, la participation n’atteignait pas 8% dans la ville de Mitrovica. Et, à 18 h, à peine 13% dans les zones serbes. Un résultat assez prévisible.

La suite des événements est très incertaine mais les élections devraient être probablement annulées dans la zone.

Appel au vote

A Belgrade, le Premier ministre Ivica Dacic a dénoncé « les menaces et les appels au boycott qui mettent en danger la survie des Serbes du Kosovo ». Le bon déroulement du scrutin est une des conditions de la poursuite du rapprochement entre l’Union européenne et la Serbie, qui avait incité les populations serbes du Kosovo à se rendre aux urnes. Les municipalités où elles sont présentes devaient former une association incarnant le degré d’autonomie négocié entre les autorités kosovares et serbes dans le cadre du processus de normalisation de leurs relations.


 ■ ZOOM : Le Premier ministre Hashim Thaçi sort affaibli du scrutin

Ces élections municipales faisaient figure de premier test depuis trois ans, sur la scène politique kosovare, et se soldent par un net revers pour le Parti démocratique du Kosovo, le PDK du Premier ministre Hashim Thaçi, éliminé de la course à Pristina, assuré de perdre plusieurs grandes villes comme Gjilan et même affaibli dans ses bastions traditionnels des zones rurales de la Drenica.

L’autre formation issue de l’ancienne guérilla de l’UÇK, l’Alliance pour l’avenir du Kosovo, de l’ancien commandant Ramush Haradinaj, récemment amnistié par le TPI de La Haye, est également dépassée dans ses bastions de Gjakovë et de Peja. Le grand vainqueur de la journée n’est autre que la Ligue démocratique du Kosovo, la formation d’opposition dirigé par le maire de Pristina, Isa Mustafa.

Hashim Thaçi semble également avoir payé au prix fort la signature des accords de Bruxelles avec Belgrade. Le scénario favorisé par certains cercles diplomatiques occidentaux d’un rapprochement entre le PDK et l’AAK de Ramush Haradinaj semble donc mal parti.

Quant aux Serbes des enclaves du sud du Kosovo, contrairement à ceux du nord où le scrutin devrait être invalidé, ont massivement pris part aux élections, avec une participation supérieure à la moyenne nationale. Ils ont donné l’avantage aux listes soutenues par Belgrade qui reprend la main dans le sud. Ce résultat n’est pas bon non plus pour Hashim Thaçi, qui comptait sur son allié serbe du Parti libéral indépendant.

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