C’est en ce sens que la « Révolution des roses », qui s’est voulue très pro-occidentale, voire ultralibérale, est étroitement associée au nom de Saakachvili. Cela dit, on ne sait pas ce que sera son avenir : il est jeune, 46 ans, et veut se battre. Mais même son parti, le Mouvement national uni, a envie de tourner la page. Avec la défaite de celui-ci lors des parlementaires voilà un an, face à la coalition réunie par l’oligarque Bidzina Ivanichvili, devenu Premier ministre entre-temps, le parti présidentiel sent qu’il doit se renouveler.
Il doit passer par une autocritique, parce que si les deux mandats de Saakachvili riment avec modernisation, éradication de la corruption, réforme de la police, ils riment aussi avec des scandales, des médias sous contrôle, des prisons surchargées « tenues » par la violence. Donc le personnage est embarrassant même pour son propre camp. Quant à l’opposition, on voit bien qu’elle veut tourner la page, elle ne parle que des erreurs, des crimes de Saakachvili, mais dans la pratique elle poursuit pour l’essentiel les réformes de la « révolution », en les corrigeant.
L’enjeu du scrutin de ce dimanche
L’enjeu n’est pas qui va gagner. D’abord, parce que la fonction présidentielle a perdu beaucoup de ses attributions, avec des amendements constitutionnels adoptés entre 2010 et le printemps dernier. Ensuite, parce que le vainqueur, peut-être même dès le premier tour, sera le candidat de la majorité, Guiorgi Margvelachvili, qui n’a aucun capital politique propre mais est soutenu par Ivanichvili.
Par ailleurs, le parti du président Saakachvili - l’opposition d’aujourd’hui - survivra-t-il ? Cela dépend de son score, que l’on annonce faible, entre 15% et 20%. Ivanichvili diabolise ce parti et semble vouloir le réduire à néant. Mais s’il devait s’imposer comme un gros parti d’opposition, capable de revenir au pouvoir d’ici quelques années, on pourrait dire que la Géorgie se serait enracinée de façon significative dans une démarche démocratique. Ce qui serait unique en ex-URSS.
Ivanichvili parle de mettre en prison Mikheïl Saakachvili
Ivanichvili répète à l’envi que la justice aura beaucoup de questions à lui poser. Si cette arrestation devait arriver, cela porterait un coup terrible au Mouvement national uni. Ensuite, le nouveau gouvernement a poursuivi le cours pro-occidental de la politique étrangère de l’équipe Saakachvili, qu’il s’agisse de l’adhésion à l’Otan ou à l’Union européenne. Et si le président devait être arrêté, ce serait un vrai obstacle pour ce faire. Sachant que la Géorgie doit parapher fin novembre l’accord d’association avec l’UE, lors du sommet de Vilnius.
Si dans une certaine mesure la Géorgie tourne la page Saakachvili, cela ne signifie pas que la Géorgie devienne pro-russe. Ivanichvili a une autre stratégie que Saakachvili pour tenter de contenir les velléités « impérialistes », disons, russes. Pour le moment, il n’a pas avancé d’un iota sur le fond du problème, l’adhésion de la Géorgie à l’Otan ou ses deux conflits séparatistes instrumentalisés par Moscou.