Selon les résultats officiels annoncés lundi matin Sergueï Sobianine, le maire sortant soutenu par le Kremlin est élu au premier tour avec 51,3 % des voix. Alexeï Navalny a quant à lui obtenu 27,2 %. Un résultat qu’il conteste. Il réclame d'ailleurs un nouveau décompte et se dit persuadé que cela débouchera sur un second tour.
« Nous exigeons que les votes fassent l'objet d'un nouveau décompte, car nous sommes persuadés que cela nous amènera à un second tour de scrutin », a-t-il martelé. Selon lui, les plus de 100 000 votes enregistrés à domicile pour des personnes ne pouvant se déplacer ont été falsifiées. Un meeting dans le centre de Moscou a d'ailleurs lieu ce lundi soir pour exiger un second tour.
« Navalny est désormais le leader incontestable de l'opposition »
Néanmoins, le score obtenu par l’opposant, succès inattendu, a surpris la plupart des experts et des médias. « Navalny est désormais le leader incontestable de l'opposition », écrivait lundi le quotidien Vedomosti. « Le résultat d’Alexeï Navalny est sans doute un succès », a estimé sur son compte Twitter l’ancien ministre des Finances, Alexeï Koudrine. Pour l’économiste russe Sergueï Gouriev, qui a rédigé la partie économique du programme électoral d'Alexeï Navalny, l’opposant aurait toutes ces chances de gagner au second tour, si celui-ci avait lieu. « Le fait que Navalny, sous pression de sa condamnation, en ayant juste quelques semaines pour mener sa campagne, sans aucun accès aux chaînes de télé fédérales, sans moyens, ait pu mobiliser un millier de volontaires bénévoles et acquérir 100 millions de roubles de dons, prouve que c’est un politique avec un grand avenir », juge cet ancien conseiller de Dmitri Medvedev, exilé en France depuis qu’il a été victime de pressions en Russie.
Pour Edouard Limonov, « le gagnant des élections : le boycott ! »
Le bon score de l’opposant a aussi été une surprise pour le Kremlin qui l’a laissé participer à la municipale, considère Sergueï Gouriev. Xenia Sobtchak, animatrice de télévision, a affirmé sur son compte Twitter, citant une source à la mairie de Moscou, qu’une réunion d’urgence avait eu lieu cette nuit dans les services du maire, en présence de « l’idéologue » du Kremlin, premier chef adjoint de l'administration présidentielle : Viatcheslav Volodine. Pourtant, selon l'écrivain et homme politique Edouard Limonov, « le grand gagnant de ces élections, c’est le boycott ! » Le héros du roman d’Emmanuel Carrère a appelé ses partisans à ignorer le scrutin et a farouchement critiqué Alexeï Navalny sur Facebook et Twitter durant toute sa campagne. « C’est nous qui avons persuadé les moscovites de ne pas aller voter », a-t-il ainsi déclaré à RFI.
« Les élections ne changent rien »
Le taux de participation lors de ce scrutin a été très faible, avec seulement 32 % d’électeurs qui se sont déplacé. Chiffre qualifié de « catastrophique » par le journaliste et éditeur Sergueï Parkhomenko, qui a été membre de la Commission électorale dans l'un des bureaux de vote de la capitale. Pour lui, cette participation faible est liée « à l’absence d’habitude pour des élections concurrentielles ».
« Les gens se sont tellement accoutumés à l’idée que les élections ne signifient rien et ne changent rien qu’ils se sont décidés de ne plus jamais y aller », souligne-t-il. Pour de nombreux experts, cette faible participation a joué en faveur du candidat d’opposition. Car, explique le journaliste politique Mikhaïl Fichman, ce sont surtout les électeurs de Sergueï Sobianine qui croient que tout est décidé d’emblée. « L’état-major de Sobianine s’est trompé en croyant que son électorat allait se mobiliser par défaut », remarque-t-il.
Selon Sergueï Gouriev, cette participation sera plus importante aux prochaines élections, celles à la Douma de Moscou, où Aleweï Navalny devrait se présenter. Car, grâce aux élections municipales, les gens ont compris « que la voix de chacun est importante », estime l’expert. Et c’est là, certainement, la leçon à tirer de ce scrutin. Et l'une des plus grandes réussites d’Alexeï Navalny.