Malgré la répression, «l'esprit de Gezi» s'exprime toujours en Turquie

Trois mois après les manifestations pour protéger les espaces vers du parc Gezi, dans le centre d’Istanbul, une nouvelle forme de contestation pacifique est apparue dans la métropole : le barbouillage d’escaliers de toutes les couleurs, de manière à composer un arc-en-ciel. Les équipes municipales ont tenté d’effacer cette explosion de couleurs. Peine perdue : la pratique s’est répandue dans le pays.

La contestation populaire contre le pouvoir et le Premier ministre reprend avec la fin des vacances. C’est certain, et c’était prévisible : «l’esprit de Gezi» n’est pas mort. Il a d’ailleurs continué à vivre dans différentes manifestations ou initiatives artistiques tout au long de l’été.

Des disques sont en préparation, des expositions multiples évoquent Gezi et la Biennale qui s’ouvre la semaine prochaine fourmille de projets qui surfent sur l’idée de la liberté d’expression, l’art dans la révolution, la répression. Les autorités ont d’ailleurs interdit toute performance de rue et retiré leur soutien à cette grande manifestation.

Escaliers arc-en-ciel

Mais une fois de plus l’esprit de Gezi est ressorti là où on ne l’attendait pas : dans la rue. La mode des escaliers repeints en arc-en-ciel a fait le tour du pays, et en quelques nuits, une vingtaine de villes ont «participé» au phénomène ; il y a plusieurs de ces escaliers repeints à Istanbul et dès que les agents municipaux les repeignent en gris, ils sont tout de suite après repeints de toutes les couleurs.

Jeudi après-midi, à Izmit, à une centaine de kilomètres d’Istanbul, des jeunes ont été interpellés le pinceau à la main et placés en garde à vue, c'est une première.

Le gouvernement règle ses comptes

Depuis la fin de la mobilisation, début juillet, de nombreux manifestants ont été arrêtés ou poursuivis. De nombreux procès doivent débuter dans les prochaines semaines. La répression n’a pas cessé contre tous ceux qui avaient participé ou manifesté leur soutien aux événements de Gezi. La presse s’en fait l’écho tous les jours et elle est elle-même particulièrement touchée : des dizaines de journalistes, des éditorialistes de renom ont été limogés comme des malpropres pour avoir exprimé de la sympathie pour les manifestants de Gezi.

Des pages Facebook sont fermées d’autorité, des poursuites sont engagées contre leurs utilisateurs, des artistes et des sportifs sont mis au ban pour avoir témoigné d'un certain engagement aux côtés des défenseurs de Gezi. Le gouvernement et les autorités continuent donc de régler leurs comptes avec les activistes et les sympathisants de la mobilisation du mois de juin, et tout indique que ce n’est pas fini, puisque la contestation, la résistance civile et pacifique, ne semblent pas prêtes à marquer le pas.

Jeux olympiques de 2020 à l'horizon

Ce week-end doit se décider quelle ville accueillera les Jeux olympiques de 2020, et Istanbul est candidate, face à Madrid et Tokyo. Les manifestations de Gezi peuvent avoir joué négativement contre les chances de cette ville, sans que cela apparaisse néanmoins dans les sondages. Pour le ministre des Affaires européennes Egemen Bagis, c’est d'ailleurs certain, « si Istanbul perd, ce sera à cause des contestataires de Gezi », déclarait-il le mois dernier.

Cela montre combien le pouvoir est préoccupé par cette contestation et ses conséquences. Ces manifestations et leur très brutale répression sont arrivées au pire moment, à trois mois du choix de la ville hôte, et les images de ces affrontements violents ne peuvent pas ne pas avoir marqué les membres du CIO et pesé sur leur choix.

Cependant, dans les différents sondages sur les chances d’Istanbul, la cote de la métropole stambouliote reste haute et en avance par rapport à celle de ses concurrents ; et les différents commentateurs de la décision qui sera rendue ce samedi 7 septembre à Buenos Aires estiment que les événements de Gezi ne devraient pas avoir beaucoup affecté la candidature de la ville d’Istanbul.

Partager :