Italie: la sécurité, principal enjeu du procès du capitaine du Costa Concordia

Le 13 janvier 2012, le Costa Concordia, transportant 4 229 personnes, heurte un rocher à environ 300 mètres de l’île de Giglio, en Toscane. Le commandant minimise l’accident, l’évacuation n’est entamée qu’une heure après la collision. La catastrophe fera 32 morts, dont deux n'ont jamais été retrouvés. Après un report de huit jours en raison d’une grève nationale des avocats italiens, c’est ce mercredi 17 juillet que commence à Grosseto le procès du commandant Francesco Schettino qui risque bien de se retrouver seul sur le banc des accusés.

Avec notre correspondante à Rome,Anne Le Nir

Ce mercredi matin, l’ex-commandant du Costa Concordia, Francesco Schettino, 52 ans, sera le seul parmi les six inculpés sur la scène : celle du théâtre de Grosseto, en Toscane, transformé en salle de tribunal pour pouvoir accueillir les 250 parties civiles et 400 témoins du procès. 

Les cinq autres employés de Costa Crociere ont demandé une peine négociée. Parmi eux Roberto Ferrarini, le responsable de l’unité de crise à terre de la compagnie qui a elle été condamnée à une amende d’un million d’euros, ce qui devrait lui éviter un procès au pénal.

Francesco Schettino, actuellement libre de ses mouvements en Italie, doit répondre, entre autres, d’homicides multiples par imprudence, d’abandon de navire et de dommage à l’environnement pour le naufrage du géant des mers. Un accident provoqué par une manœuvre erronée pour s’approcher au plus près de l’île du Giglio, le fameux « inchino », une sorte de révérence faite aux habitants d’une île ou à proximité des côtes. Une tradition qui a coûté la vie à 32 personnes la nuit du 13 janvier 2012.

« La tradition aberrante de la révérence d'un navire devant une île, c'est fini ! »

L’ex-capitaine risque 20 ans de prison. Toutefois, l’accusé se dit « en règle avec sa conscience ». Mais au-delà des condamnations, ce procès inédit devrait servir de leçon pour éviter de telles catastrophes. Ce procès va-t-il permettre de renforcer la sécurité à bord des navires de croisière tant pour les touristes que pour les membres de l'équipage ?

Pour l'association de consommateurs, Feder Consumatori, il s'agit là d'un enjeu fondamental. Son président, Rozario Trefiletti explique que des avancées dans cette direction ont déjà été faites : « Les touristes à bord d'un navire Costa ne feront plus jamais les exercices de simulation d'évacuation au lendemain de leur embarquement, mais immédiatement, avant même que le paquebot ne lève l'ancre, explique-t-il. Quant à la tradition aberrante de la révérence d'un navire devant une île, c'est fini ! Par ailleurs, il y aura plus de collégialité sur la passerelle de commandement pour les manœuvres ». 

La Feder Consumatori est à l'origine de l'accord négocié avec la compagnie Costa Crociere qui prévoit une indemnisation forfaitaire de 14 000 euros pour chaque rescapé non blessé. Parmi les 3 000 personnes de 60 nationalités différentes qui sont concernées, 80 % auraient accepté cet accord.

Evènement médiatique

Ce procès sera évidemment très suivi dans le monde entier notamment par les médias. En Italie, en revanche, pas un seul des grands quotidiens italiens que ce soit El Corriere della Sera, La Stampa ou La Repubblica, et aucun des principaux quotidiens locaux ne consacrent une ligne à la reprise du procès Costa Concordia. Il y a peut-être un effet de lassitude, mais, compte tenu de l’ampleur de cette tragédie au niveau international, il y a de quoi être surpris par ce silence. Cela dit, 300 journalistes sont accrédités au tribunal de Grosseto en Toscane, et donc au fil des prochaines heures, ce silence sera bien évidemment rompu.

Un an et demi après le naufrage, l’île du Giglio porte toujours les séquelles du drame. Le Costa Concordia, long de 290 mètres, gît toujours sur un flanc à quelques encablures du port et le tourisme voyeuriste est encore d’actualité. Chaque jour, des familles entières débarquent sur l’île le temps d’une séance de bronzage avec vue sur l’épave. Puis ils prennent des photos entre un sandwich sur la plage et un petit café dans un des bars du port avant de repartir vers la terre ferme. Mais cette année l’île du Giglio souffre encore plus des répercussions de la crise économique. Il y a 25% de touristes habituels, ceux qui séjournent une semaine sur place, en moins.

Quant au chantier flottant sur lequel 474 personnes travaillent jour et nuit, il fonctionne au ralenti. Les opérations seraient, elles, encore plus complexes que prévu. Elles consistent à redresser l’épave pour pouvoir ensuite la remorquer vers un port où le navire sera démantelé. Mais le Costa Concordia continue d’être écrasé par son propre poids contre le lit rocheux sur lequel il repose. Il s’est comprimé de trois mètres depuis le 13 janvier 2012 et les experts confient maintenant qu’il n’y aura qu’une seule chance de le redresser. Opération prévue au mois de septembre, mais qui pourrait être retardée.


En France, le Collectif des naufragés français du Concordia, le principal collectif de victimes de la catastrophe, ne sera pas présent au procès. Anne Decré, la présidente explique les raisons de cette décision des membres de l’association.

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