A peine devenue membre de l’Union européenne ce 1er juillet, la Croatie songe déjà à la manière dont elle pourra aider les derniers wagons de la péninsule balkanique à se raccrocher à la locomotive européenne. En effet, si la Croatie représente chronologiquement le cinquième pays balkanique à avoir été intégré dans le giron européen - après Grèce, la Slovénie, la Roumanie et la Bulgarie -, il en reste six autres qui rêvent aussi d’un destin européen. Du nord au sud des Balkans, il s’agit de la Bosnie-Herzégovine, du Monténégro, de la Serbie, de la Macédoine, de l’Albanie et du Kosovo.
Un long chemin en perspective
Les présidents de ces pays prétendant à l’entrée dans l’UE étaient tous présents à Zagreb à l’invitation du président croate, pour féliciter la Croatie mais aussi pour montrer à l’Europe qu’il ne faut pas les oublier. Certes, chacun de ces pays a vocation à adhérer un jour à l’Union européenne, et les procédures d’adhésion ont bien démarré. Mais celles-ci risquent d’être terriblement longues. Si la Croatie a mis dix ans à négocier avec l’UE avant de concrétiser son entrée, ses voisins du sud des Balkans, qui sont bien plus pauvres économiquement et avec une vie démocratique qui fonctionne moins bien, risquent de voir leur intégration repoussée aux calendes grecques. Cela dit, l’UE n’a pas intérêt à laisser refroidir l’attente des pays de cette région, qualifiée il n'y a pas si longtemps de « poudrière » de l'Europe…
Une marche à géométrie variable
La première étape de la longue marche vers l'UE s’appelle « accord de stabilisation et d'association ». Ensuite, le pays prétendant se voit accorder le statut de « pays candidat officiel ». Mais il faut encore attendre assez longtemps pour qu’un pays candidat se voie ouvrir les négociations d’adhésion, avant de parvenir à la pleine intégration comme ce fut le cas pour Croatie le 1er juillet 2013. Ainsi, c’est en ordre bien dispersé que les pays du sud des Balkans se présentent dans leur « course » à l’Europe. Il y a trois pays candidats, sans compter la Turquie, à savoir : l'ancienne République yougoslave de Macédoine, la Serbie et le Monténégro. Trois autres pays sont des candidats potentiels : l'Albanie, la Bosnie-Herzégovine et le Kosovo.
Voici un rapide tour d’horizon de l'état d'avancée des Balkans du Sud dans leur processus d’intégration.
La Macédoine : sur le papier, ce pays semble le plus avancé dans sa marche vers l’UE, car il jouit officiellement du statut de pays candidat depuis 2005. Mais en réalité, la situation de la Macédoine semble bien bloquée depuis déjà huit ans. Malgré les recommandations successives de la Commission européenne, l'ouverture des négociations d'adhésion tarde, à cause notamment du conflit sur son nom qui l’oppose à la Grèce… La Grèce estime que le nom « Macédoine » fait partie de son patrimoine historique et a répété qu’elle opposerait son veto à l’entrée de ce pays dans l’UE, comme elle l’avait fait pour son entrée dans l’Otan, tant qu’il conservera son appellation actuelle… L’unanimité étant requise pour ouvrir les négociations, la Macédoine doit d'abord résoudre ce différend.
Le Monténégro : ce pays, devenu indépendant en 2006, a signé l'accord de stabilisation et d'association avec l’UE en 2007 et est devenu candidat officiel à l’adhésion le 17 décembre 2010. Les choses sont allées assez vite pour le Monténégro, qui utilise l’euro comme monnaie et qui a entamé en juin 2012 les négociations d'adhésion. Celles-ci risquent cependant d’être longues, les Européens reprochant à ce petit pays son niveau élevé de corruption.
La Serbie aussi a fait de grands pas en avant dans son rapprochement avec l’Union européenne, malgré l’épineux problème du Kosovo. En 1999, les Occidentaux faisaient la guerre à la Serbie, une intervention armée qui avait débouché quelques années plus tard à l’indépendance du Kosovo. L’apaisement des relations avec son ancienne province, ainsi que l’extradition des criminels de guerre en fuite, étaient les conditions posées à la Serbie par l’Union européenne. Après des gestes significatifs que la Serbie a faits dans le sens voulu par les Européens, elle vient de se voir récompenser. L’accord de stabilisation et d'association a été signé en 2011 et le statut du pays candidat à l’adhésion a été octroyé à la Serbie en 2012. L’ouverture des négociations d’adhésion recommandée par la Commission européenne en avril 2013 est attendue pour 2014.
L’Albanie, qui n’a pas de problème particulier hérité des conflits en ex-Yougaslavie, a paradoxalement vu sa marche vers l’Europe très ralentie. En cause, un climat politique tendu entre la majorité au pouvoir et l’opposition, dont a pâti durant ces dernières années la réalisation des réformes préalables à l’ouverture des négociations d’adhésion. L’Albanie en est restée au stade d’un accord de stabilisation et d'association et attend impatiemment la reconnaissance du statut de candidat officiel à l’entrée dans l’UE. Le dernier obstacle pour cela semble cependant tomber. Le résultat des dernières élections législatives du 23 juin n’a pas été contesté par les principales forces politiques, une première depuis la chute de la dictature stalinienne dans ce pays, il y a 22 ans. Satisfaite de la tenue des dernières élections qui ont été remportées par l’opposition de gauche, l’Union européenne devrait accorder à l’Albanie le statut de candidat officiel avant la fin de cette année.
La Bosnie-Herzégovine, comme l’Albanie, n’a pas encore le statut de candidat officiel à l'entrée dans l'UE. Depuis la signature de l’accord de stabilisation et d'association en 2008, les choses n’ont pas beaucoup évolué dans le rapprochement entre la Bosnie-Herzégovine et l’UE. Comme pour l’Albanie, c’est le jeu politique interne qui est en cause, mais dans le cas de la Bosnie-Herzégovine, les dissensions politiques ont des origines ethniques et religieuses. Après des élections jugées problématiques en octobre 2011, les dirigeants musulmans, serbes et croates ont voulu afficher leur unité quand il s’est agi d’adopter des lois favorisant l’ouverture des négociations d’adhésion avec l’Union européenne. Mais les Européens ne semblent pas encore convaincus des progrès réalisés.
Le Kosovo : dernier Etat nouveau-né de l’ex-Yougoslavie en 2008, le Kosovo est considéré comme un candidat potentiel à une entrée dans l’UE. En avril 2013, la Commission européenne a donné son feu vert à l’ouverture de négociations avec le Kosovo en vue de signer un accord de stabilisation et d’association avec l’UE, ce qui constituerait le premier degré dans le processus de l’adhésion.
Enfin, il est à noter que les pays du sud des Balkans, dans l’attente de leur intégration à l’UE, ont déjà obtenu la libre-circulation de leurs citoyens vers les pays de l'Union européenne. En 2009 et 2010, celle-ci a supprimé les visas pour la Serbie, la Macédoine, le Monténégro, l'Albanie et la Bosnie-Herzégovine.