Espionnage britannique au G20 en 2009: «Ca rappelle l’Union soviétique», affirme Graham Watson

Alors que le G8 s'est ouvert ce lundi 17 juin en Irlande du Nord, le quotidien The Guardian révèle que l'agence des services secrets britanniques Government Communications Headquarters aurait espionné les délégués du G20 en avril et en septembre 2009, et certains tout particulièrement, comme le ministre turc des Finances. Graham Watson, eurodéputé britannique du groupe Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe, président de la commission parlementaire pour la Justice et les Affaires intérieures, réagit sur RFI.

RFI : Que faut-il penser des informations parues dans The Guardian ?

Graham Watson : Les informations sont à la fois surprenantes et non surprenantes. Non surprenantes parce que nous savons que la technologie existe et que cette technologie a été employée régulièrement par des gouvernements dans des cas pareils. Surprenantes parce que, ce que nous démontrent ces révélations, c’est qu’il n’existe vraiment pas de coopération entre les alliés.

C'était un secret de Polichinelle ? Tout le monde le savait ?

Tout le monde sait que le système existe pour prendre et dissimuler, au sein d’un certain nombre de personnes, des informations sur les appels téléphoniques et sur les e-mails. Chacun de nos pays européens a déjà un accord avec le gouvernement des Etats-Unis sur l’échange d’informations. Mais utiliser ce système comme l’a fait l’ancien Premier ministre Gordon Brown pour ces fins-là, c'est un nouveau départ. Je ne serais pas du tout surpris si les gouvernements invités à l’actuel sommet ne posent pas des questions importantes à leurs hôtes.

Ces systèmes sont dignes d’un film d’espionnage. The Guardian révèle des détails plutôt surprenants : des cafés internet installés pour intercepter les communications, pour surveiller les e-mails et même les coups de fil passés entre délégués. Ca ne vous étonne pas ? C’est quelque chose qui se fait depuis longtemps ?

C’est vrai que ça rappelle un peu les actions de l’Union soviétique, mais ça ne me surprend pas tellement qu'un gouvernement travailliste, et je connaissais assez bien le gouvernement de Tony Blair et Gordon Brown, ait fait ces choses-là. Ce qui est important à mon avis, c’est qu’il existe entre nos pays, entre les membres du G8, et surtout entre les pays membres de l’Union européenne, un consensus sur la manière d'opérer les systèmes et sur la non utilisation des systèmes à ces fins-là.

Justement, comment expliquer qu’on laisse passer cela ? Pourquoi personne ne bouge ?

Nous sommes dans une situation où nos Etats membres ne veulent pas reconnaître la valeur ajoutée de l’Union européenne. Nous avons depuis longtemps un système d’écoutes menées par les Etats-Unis - nous avons fait une commission d’enquête ici au Parlement en 2001 là-dessus - qui implique la Grande-Bretagne. Nous savons aussi que la France a un tel système. Nous savons aussi que les Allemands mènent des activités de ce genre. Là où nous pourrions faire des avancées maintenant, c’est si l’Union européenne prenait la responsabilité de mettre en place un système au niveau européen, peut-être en coopération avec les Etats-Unis, car ça peut nous aider. Mais il faut que ce soit un système pour protéger les citoyens contre la criminalité organisée et contre les menaces de guerre, que ce ne soit pas un système utilisé pour faire de l’espionnage au Premier ministre ou à d’autres ministres qui participent à des conférences.

Un espionnage oui, mais au service de la lutte contre la criminalité donc. Cette affaire ne prouve-t-elle pas aussi qu’il y a une collaboration finalement approfondie entre les services secrets américains et les services britanniques ?

Ca, nous le savons déjà et nous le savons depuis longtemps.

Mais là, il s'agit tout de même d'espionner l’ancien président russe Dmitri Medvedev, d’après les révélations du journal The Guardian...

Oui, exactement. C’est un système qui implique les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et certains autres pays, l’Australie et le Canada par exemple. Nous savons aussi que la France a un système similaire, un peu moins grand, avec certains alliés, et nous savons que les services secrets allemands font des choses comparables. Nous savons également que tout le monde coopère avec les Etats-Unis, même si certains ne veulent pas l’admettre. Il faut qu'il y ait un contrôle démocratique, une supervision démocratique sur les activités des services secrets. Ce qui est révélé dans The Guardian ce matin, c’est qu’il est bien possible que les ministres britanniques eux-mêmes ne sachent pas ce que faisaient les services secrets dans ce cas précis, lors des réunions de 2009. Je pense qu'avoir ces systèmes est important pour protéger les citoyens, mais contrôler l’usage, l’utilisation des systèmes, c'est encore plus important.

Il faut donc, selon vous, que ces systèmes soient connus de tous et même du grand public. Cela ne poserait-il pas un problème en terme de sécurité intérieure par exemple ?

Le grand public comprend que si les bandes criminelles ont accès à certains avantages de la technologie nouvelle, les gouvernements doivent aussi opérer avec cette technologie. Tout le monde est conscient de l’importance d’une coopération entre les gouvernements dans la lutte contre la criminalité organisée, dans la lutte contre le terrorisme. Mais le grand public sera, je l’espère bien, aussi insistant sur la supervision et le contrôle démocratique de l’utilisation de ces informations par les gouvernements établis dans la loi internationale.

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