C’est un record peu enviable que vient de battre la France en cumulant dans ses 249 établissements pénitentiaires, 67 839 détenus. Parmi ces personnes incarcérées, 16 987 sont en attente de jugement. Ces chiffres détrônent un précédent record établi fin 2012 où les prisons françaises comptaient déjà 67 674 détenus. Les recommandations transmises dès le mois de septembre aux parquets par la ministre de la Justice, Christiane Taubira, destinées à favoriser les aménagements de peine et les alternatives à la prison, n’ont donc pas réussi à inverser la tendance.
Le taux d’occupation moyen se situe actuellement à 118,5% des capacités d’accueil des 191 prisons françaises qui sont prévues pour recevoir 57 235 personnes. Mais dans dix établissements ou quartiers pénitentiaires, le taux d’occupation atteint 200%. Dans 42 autres, on relève une densité comprise entre 150 et 200%. Cette situation de surpopulation carcérale est chronique et d’autant plus alarmante. Le contrôleur général des lieux de détention, Jean-Marie Delarue, s’est d’ailleurs dit « très inquiet », lors de la publication des chiffres les plus récents.
Afin de limiter la hausse de la population carcérale, Jean-Marie Delarue est favorable à une amnistie des très courtes peines prononcées avant 2010 et non exécutées. Mais pas plus ce souhait que les consignes données par la ministre ne sont suivies d’effet. « On continue de voir des peines de quinze jours, d’un mois, mises à exécution » signale Antoine Danel, le secrétaire national du syndicat des directeurs pénitentiaires.
Cette organisation syndicale appelle par ailleurs à un rassemblement, mardi 28 mai, place Vendôme à Paris. C’est sous les fenêtres du ministère de la Justice que le syndicat a choisi d’exprimer le « malaise profond » des directeurs des services pénitentiaires. « Les conditions de détention dans les maisons d’arrêt ne cessent de se heurter à la surpopulation carcérale et nous éloignent des exigences de l’Etat de droit », souligne le syndicat.
Mission, consultation et sanctions
Une mission d’information présidée par le député PS Dominique Raimbourg a fait en janvier dernier, 76 propositions pour remédier au surpeuplement dans les prisons. La mission prônait notamment l’introduction d’un numerus clausus, afin qu’il n’y ait pas plus de personnes incarcérées que de places, proposition rejetée par la ministre de la Justice.
Entretemps, Christiane Taubira a mené entre septembre et février une vaste consultation avec les professionnels de justice et des membres de la société civile pour imaginer de nouvelles solutions à la récidive en favorisant la réinsertion dans la société plutôt que la mise à l’écart carcérale. Cette «conférence de consensus» doit déboucher sur la présentation d’une loi au Parlement au dernier trimestre 2013. Parmi les propositions qui en sont issues, la libération conditionnelle automatique pourrait être une voie vers l’amélioration de la situation actuelle.
En tout, une douzaine de préconisations ont été remises au gouvernement par la Chancellerie. Ainsi, une peine de probation, permettant un meilleur suivi hors de prison des condamnés, ou l’allègement des peines encourues pour certaines infractions aujourd’hui passibles d’emprisonnement y figurent. Des pistes intéressantes selon plusieurs spécialistes et acteurs du dossier, pour s’orienter vers une politique de limitation de l’incarcération.
Faute de trouver une solution, la France risque en effet d’être encore une fois sanctionnée comme elle l’a été à plusieurs reprises par diverses juridictions internes pour des conditions de détention dégradantes. Et, pour la première fois, elle vient d’être condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme, la plus haute juridiction européenne, pour sa surpopulation carcérale suite à la plainte d’un homme ancien détenu à la prison de Nancy.
Dans son arrêt rendu à l’unanimité le 25 avril dernier, la cour avait estimé que la promiscuité, combinée avec la durée du séjour en cellule, la vétusté des locaux et l'inadéquation de la cour de promenade caractérisent un traitement dégradant au sens de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme.