Avec notre correspondante à Rome, Anne Le Nir
C’est une solution inédite que vient de sortir de son chapeau le vieux chef de l’Etat, à un mois et demi de la fin de son mandat. Cette solution arrive après une rumeur qui a circulé concernant la démission de Giorgio Napolitano. Le numéro un de la Banque centrale européenne, l’Italien Mario Draghi, lui aurait téléphoné pour lui demander de ne pas démissionner.
C'est d'ailleurs ce que rapporte la presse italienne, selon laquelle effectivement, Mario Draghi se serait entretenu avec Giorgio Napolitano, pour l’avertir qu’une éventuelle démission de sa part aurait eu des conséquences redoutables, à un moment de forte tension sur les marchés financiers, accentuées par la crise bancaire de Chypre. A ce jour, ni l’un ni l’autre n’ont confirmé ou démenti ces propos. Le fait est que Giorgio Napolitano n’a pas manqué de souligner la situation de grande difficulté dans laquelle il se retrouve, en raison des veto croisés des partis qui, dit-il, n’ont pas fait suffisamment preuve de responsabilité, alors que le pays a vraiment besoin d’un nouveau gouvernement pour adopter des réformes urgentes, institutionnelles en particulier.
Les experts de Napolitano
Le président italien a donc mis sur pied des groupes d'experts qui vont tenter de sortir le pays de cette impasse politique. Il s’agit de groupes composés de personnalités de compétences et d’orientations politiques très différentes, et dont un certain nombre sont des dinosaures de la politique, ou pire, de l’Italie bureaucratique. Il n’y a pas une seule femme, ce qui soulève, à juste titre, des polémiques.
L’un des groupes doit s’occuper des questions institutionnelles, notamment de l’étude d’une réforme de la loi électorale, qui pourrait satisfaire tous les partis. L’autre, doit proposer un programme synthétique de mesures pour relancer l’économie, soutenir les couches sociales les plus défavorisées. Les deux groupes entameront leurs travaux dès mardi 2 avril.
Les partis politiques dubitatifs
Au fil des heures, les partis se montrent de plus en plus dubitatifs. Beppe Grillo, le chef du mouvement 5 Etoiles, ne critique pas la méthode, mais le choix des experts, les qualifiant de « gardes-malades de la démocratie » ou encore de « négociateurs fantomatiques ». Le centre gauche estime que le travail de ces groupes pourra servir à vérifier si des points d’entente, entre les différents partis peuvent être trouvés, mais que cela ne suffira pas pour faire naître un nouveau gouvernement. Le centre droit, lui, estime que dix jours maximum doivent suffire à ces groupes, pour rendre leur conclusion, qu’il faut tourner la page Monti au plus vite, et que si la naissance d’un nouveau gouvernement politique de large entente n’est pas possible, une seule solution demeure : le retour aux urnes.
Mario Monti reste à la tête du gouvernement actuel, puisque l’exécutif sortant reste opérationnel. Avant tout, le gouvernement sortant doit affronter des urgences économiques pour freiner la récession. Par exemple, il va présenter demain un décret devant le Parlement, pour débloquer des fonds de l’Etat, soit 20 milliards d’euros pour 2013, afin que les administrations publiques puissent commencer à rembourser leurs dettes aux fournisseurs privés, le montant total des dettes de l’administration publique, atteignant 90 milliards d’euros. Le gouvernement doit aussi travailler sur une échéance importante. Le 30 avril au plus tard, Rome devra présenter à Bruxelles sa mise à jour du pacte de stabilité et de croissance. Or, il n’est pas dit que d’ici au 30 avril l’Italie aura un nouveau gouvernement. La crise politique est juste momentanément gelée, et de manière assez artificielle.