Un sommet européen sous haute tension

Ce jeudi soir à Bruxelles s’ouvre le sommet européen consacré au budget pluriannuel. C’est le point d’orgue d’un an de bataille budgétaire visant à doter l’Union d’une enveloppe pour l’exercice 2014-2020. Plusieurs pays menacent de ne pas signer le texte proposé par la Commission. L’Allemagne, premier pays contributeur au budget, a déclaré cet été que le budget européen ne devait pas dépasser 1% du revenu global des pays membres de l’Union européenne.

Avec Dominique Baillard, Heike Schmidt, Piotr Moszynski

Selon un rituel dorénavant bien rôdé, les chefs d’Etat et de gouvernement ont coutume de s’écharper jusqu’au dernier moment avant de finalement trouver un accord sur un budget pluriannuel d’un montant avoisinant les 1 000 milliards d’euros. Les menaces proférées as usual par les Britanniques, mais aussi cette année par les Italiens ou les Espagnols, s’inscrivent dans le schéma classique de cette bataille médiatique qui a lieu une fois tous les 7 ans. Nicolas Jean-Bréhon, économiste de la fondation Robert Schuman, spécialiste des finances européennes, appelle ce grand jeu de rôle, la « guerre budgétaire permettant à l’Union de connaître ensuite 7 ans de paix budgétaire ». Car une fois que l’enveloppe globale est fixée, les discussions annuelles ne portent plus que sur les mesures rectificatives.

L’Allemagne, principal arbitre

Si la Commission qui prépare le budget est plutôt favorable à son augmentation, elle tient néanmoins compte des débats et des limites fixées par les Etats membres.
Car, in fine les décideurs sont toujours les payeurs. L’Allemagne, le premier pays contributeur, a fixé le cadre général en déclarant cet été que le budget européen ne devait pas dépasser 1% du revenu global des pays membres de l’Union européenne. La Commission, soutenue par le Parlement, s’est battue pour que cette barre soit rehaussée de 0,2 ou 0,4%. Dans le dernier texte mis en circulation par le président du conseil, Herman Van Rompuy, le budget est néanmoins en recul : il est passé de 1 033 milliards à 963 milliards d’euros.

Parmi les contributeurs nets, les Britanniques sont les plus virulents, ils ont menacé jusqu’à hier de faire capoter l’accord si des économies ne sont pas trouvées. Ce sont eux qui ont demandé des coupes drastiques. Dans leur collimateur, les fonctionnaires de Bruxelles. Pourtant le budget de fonctionnement de l’Union ne représente que 6% des dépenses. Antonio Gravili, porte-parole de la commission pour la réforme du statut des personnels trouve ce genre de proposition pas très réaliste : « si on supprime 15 milliards de crédit pour le personnel alors il faut virer tout le personnel de la Commission car l’enveloppe de leurs salaires est de 3 milliards d’euros ».

Le rabais britannique préservé

Les attaques violentes des Britanniques contre le budget européen visent à rassurer une opinion publique de plus en plus hostile à l’Union mais aussi et surtout à préserver le rabais dont ils bénéficient depuis vingt ans.

Parce qu’ils profitaient moins de la PAC à cette époque, ils ont obtenu une ristourne qui se monte aujourd’hui à 3,5 milliards d’euros. D’après le Financial Times, ils ont obtenu des garanties sur son maintien, David Cameron pourrait donc être plus souple lors du sommet qu’il ne l’a été jusqu’à maintenant dans ses déclarations préliminaires.

La France, le deuxième plus gros contributeur, joue une partition plus ambiguë. Comme le président François Hollande l’a rappelé vendredi dernier lors de sa visite à Varsovie, Paris souhaite plus de rigueur, plus de compétitivité mais aussi le maintien de la PAC et des politiques de cohésion. Quatre objectifs contradictoires selon Nicolas Jean-Bréhon. L’économiste estime que Paris préfère laisser Berlin assumer la responsabilité de la rigueur et qu’en réalité, une baisse de la PAC est déjà entérinée dans les faits.

La PAC rétrécit

La contraction de l’enveloppe dévolue à l’agriculture est l'une des évolutions majeures de ce budget. Son poids qui était de 55% en 2005 devrait être réduit à 33% d’ici 2020.

Le deuxième poste de dépense, consacré aux politiques de cohésion est lui aussi en repli. En revanche le chapitre politique de croissance qui vise à donner un coup de pouce à l’économie européenne en aidant au financement de grands projets d’infrastructures devrait être amélioré.

La Pologne, le chef de file du groupe des amis de la cohésion, un groupe partisan d'un budget généreux, s’est réjoui de la position française mais si les principaux bénéficiaires du budget européen peuvent en théorie mettre un veto au budget qui sera présenté ce soir, ils n’ont pas les moyens de s’opposer longtemps aux exigences des payeurs.

C’est pourquoi, en cas d’échec, un accord pourrait être trouvé lors du sommet de décembre. C’est l’avis d’ Alain Lamassoure, le président UMP de la commission budgétaire au Parlement européen. Ce ne sera pas la première fois qu’un sommet échoue à trouver de suite un compromis. La chancelière allemande est encore plus flegmatique, elle a déclaré que si nécessaire, un sommet serait convoqué début 2013.
 

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