Jean-Marc Ayrault à Berlin pour rassurer les Allemands sur sa stratégie économique

Le Premier ministre français sera à partir de ce jeudi 15 novembre pour deux jours à Berlin. Cette visite intervient au moment où de nombreux doutes se font jour en Allemagne sur la politique économique française. Des critiques qui provoquent des irritations à Paris. Le germaniste Jean-Marc Ayrault devra, à Berlin, tenter de convaincre en allemand ses interlocuteurs du bien-fondé de sa politique.

« Nous devons parler plus encore ensemble. La compréhension n'est peut-être pas suffisante actuellement ». Très prudent, Jean-Marc Ayrault fait dans une interview accordée ce jeudi au quotidien Süddeutsche Zeitung dans l’euphémisme.

Les milieux gouvernementaux à Paris ont l’impression d’être victimes de critiques injustes de la part des responsables politiques et des médias allemands. Déjà durant la campagne électorale, la chancelière Merkel avait publiquement pris position en faveur de Nicolas Sarkozy. Et les médias allemands avaient été très critiques à l’égard du candidat socialiste évoquant un programme « datant des années 70 » et des propositions irréalistes face aux défis que devaient relever le pays.

Depuis six mois, les commentaires ne se sont pas améliorés. Le quotidien conservateur Die Welt évoquait il y a quelques jours un président  - François Hollande - « sans boussole » avec une comparaison avec son prédécesseur : « Nicolas Sarkozy prenait des décisions sans réfléchir. Hollande réfléchit tellement longtemps qu’il ne décide rien ». Le journal populaire Bild Zeitung - lu par douze millions d’Allemands tous les jours - se demandait récemment si la France allait être la prochaine Grèce, était encore plus direct.

Les craintes de Berlin

Mais au-delà des critiques des médias, ce sont les états d’âme des responsables allemands qui ont suscité les irritations de Paris. L’information en fin de semaine dernière selon laquelle le ministère des Finances allemand aurait demandé aux « cinq sages » - des économistes reconnus qui livrent des rapports réguliers sur la conjoncture allemande - de proposer des solutions aux problèmes français, un peu comme la Troïka en Grèce, a fait désordre même si elle a été démentie. La déclaration du patron du groupe parlementaire chrétien-démocrate au Parlement Volker Kauder, elle, est tout sauf contestable : « Ce serait bien si les socialistes engageaient vraiment des réformes structurelles. Cela ferait du bien au pays et à l’Europe. » Ce proche d’Angela Merkel a-t-il parlé pour son propre compte ou dit tout haut ce que sa patronne déclare en petit comité ?

Dans les milieux gouvernementaux allemands, on a suivi d’un regard critique les premiers mois du gouvernement Hollande. La dégradation de la conjoncture française fait craindre que le partenaire principal de Berlin ne décroche, ce qui exposerait encore plus l’Allemagne et la priverait d’un allié de poids.

A Paris, on s’irrite de ces critiques à peine voilées et de ce qui est perçu comme de l’arrogance allemande afin d’imposer un certain modèle. Les déclarations mardi soir, 14 novembre, de François Hollande durant sa conférence de presse, évoquant à plusieurs reprises les enjeux électoraux allemands l’an prochain, traduisent un soupçon français : celui de voir une Angela Merkel mettre ses intérêts partisans en avant. En critiquant de façon à peine voilée le socialiste Hollande, on peut s’en prendre indirectement aux alliés du Français, les sociaux-démocrates.

Ayrault attendu « avec curiosité »

Le petit-déjeûner vendredi matin entre Jean-Marc Ayrault, Sigmar Gabriel, le patron du SPD et le candidat à la chancellerie du même parti Peer Steinbrück ne plaira sans doute que modérément à la tenante du titre. Elle recevra le Premier ministre français ce jeudi après-midi avec les honneurs militaires avant une conférence de presse commune. Jean-Marc Ayrault rencontrera auparavant des hommes d’affaires et le ministre des Finances Wolfgang Schäuble. Autant d’occasions de convaincre Berlin du bien-fondé de la politique menée à Paris, notamment après l’annonce des mesures prises la semaine dernière. Jean-Marc Ayrault devra expliquer comment il compte restaurer la compétitivité française et assainir à plus court terme les finances publiques françaises. « Il sera reçu avec curiosité », a déclaré, mercredi, le porte-parole d’Angela Merkel.

Le germaniste Ayrault pourra s’expliquer dans la langue de ses interlocuteurs afin de peut-être les convaincre plus aisément. Il prendra la parole, hormis sa conférence de presse commune avec la chancelière, devant un forum organisé par la Süddeutsche Zeitung et donnera une interview en allemand à la première chaîne publique allemande qui sera diffusée ce jeudi soir.

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