Des confins du Rajasthan où Lakhsmi Mittal est né le 15 juin 1950, aux bureaux cossus d’ArcelorMittal au Luxembourg, il a fallu moins de trente ans à l’Indien pour bâtir un empire d’acier trempé.
C’est en Indonésie qu’il fait ses premières armes, dans une petite usine d’acier créée par son père Mohan qui lui en confie les rênes dès 1976. Lakshmi n’a que 26 ans mais il possède déjà l’instinct qui le mène vers une technique de pointe mise au point par l’industrie allemande et encore peu utilisée, le DRI pour (Direct reduced iron). En moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire, il rachète toutes les petites unités qui produisent de l’acier grâce à ce procédé en Indonésie.
L’innovation restera sa marque de fabrique tout comme son appétit pour les opérations de rachat. L’Indonésie devient rapidement un terrain bien trop étroit pour le jeune ambitieux qui se retrouve déjà à Trinidad, en 1989, où périclite une aciérie.
Un an plus tard, une fois réformée au pas de charge et sans ménagement pour les personnels, l’usine renoue avec les bénéfices et le groupe familial Mittal, Ispat, s’en porte acquéreur. Le nom de Lakhsmi Mittal est dorénavant connu dans le petit monde des plus puissants sidérurgistes de la planète.
Jamais satisfait
L’épisode de Trinidad se répète de plus en plus souvent au fil des ans et les enjeux sont de plus en plus importants. Lakhsmi Mittal écume et rachète dans l’ex-Union soviétique, au Mexique, aux Etats-Unis, en Allemagne, en Roumanie, en France… à un train d’enfer. La fusion en 2004 avec l’américain international Steel Group, et en 2006 avec Arcelor, consacre la Mittal Steel qui prend le nom d’ArcelorMittal, maintenant premier producteur d’acier mondial.
L’audace, la brutalité et la réussite sont désormais épinglées au blason des Mittal. A 62 ans, Lakshmi et son empire au chiffre d’affaires de près de 73 milliards de dollars et ses 260 000 employés qui produisent quasiment 100 millions de tonnes d’acier par an sur les cinq continents, dominent de la tête et des épaules ses concurrents.
Les tycoons ont en commun de n’être jamais être satisfaits de ce qu’ils ont et Lakhsmi Mittal ne fait pas exception à la règle. Les Jeux olympiques qui se sont tenus cet été à Londres ont été l’occasion pour lui et pour son fils Aditya 36 ans, numéro deux d’ArcelorMittal, de porter la flamme olympique, une consécration à laquelle tenait beaucoup le géant de la sidérurgie.
Cette distinction à provoqué la colère des syndicats notamment français et belges qui ont vu dans ce choix du Comité international olympique (CIO) « une véritable insulte ». Pour eux, le patron d’ArcelorMittal ne peut en aucun cas se réclamer des vertus de l’olympisme.
Au contraire, ont-ils écrit au président du CIO, M. Mittal peut être considéré « comme un des plus gros destructeurs d’emplois de l’ère industrielle » à qui ils reprochent notamment le licenciement de 70 000 travailleurs depuis 2006 dont 40 000 en Europe auxquels s'ajoutent encore récemment plusieurs centaines à Florange, en France.
Taj Mittal
Autre motif d’amertume pour les syndicats de la sidérurgie, la construction, toujours à Londres, de la tour «The Orbit » aux frais de M. Mittal. Conçue par l’artiste indien Anish Kapoor, d’une hauteur de 115 mètres, la tour qui abrite un restaurant et un belvédère est construite avec de l’acier produit dans cinq de ses usines européennes pour un coût de 18 millions d’euros. Après avoir imprimé sa marque dans le monde de l’industrie, Lakhsmi Mittal a l’ambition de laisser une trace dans la capitale britannique qu’il espère à l’égal de la tour Eiffel…
Les plus folles rumeurs circulent sur le faste dans lequel vivrait l’homme le plus riche de Grande-Bretagne dont la fortune est estimée à une vingtaine de milliards de dollars. Propriétaire notamment d’une résidence à Kensington, quartier huppé londonien, achetée en 2005 pour quelque 100 millions d’euros, le magnat y dispose de douze chambres et d’un garage capable d’abriter 20 voitures.
Baptisée « Taj Mittal », la demeure est d’ailleurs recouverte de marbre extrait de la même carrière que celle exploitée lors de la construction du célèbre monument indien. On dit même que la piscine est constellée de pierres précieuses, une version moderne des folies des maharadjas en quelque sorte.
À côté de ces fastes, le patron d’ArcelorMittal prend un malin plaisir à travailler dans des bureaux londoniens spartiates, à la limite des locaux de la Sécurité sociale : moquette fatiguée, meubles à bout de souffle et décor digne d’un boui-boui indien de quartier. Une façon de vous persuader que l’entreprise gère au plus près son budget et qu'elle n'a pas un sou de trop.
Pourtant quand, en 2004, il s’est agi de célébrer le mariage de sa fille Vanisha avec le banquier Amit Bhatia, Lakhsmi Mittal n’a pas fait les choses à moitié. Six jours de festivités se sont succédé, entre autres au château de Vaux-le-Vicomte, près de Paris. Le père de la mariée a réglé sans sourciller la note de 60 millions d’euros, faisant de ce mariage digne des Mille et Une nuits, le plus cher jamais célébré après celui de Charles et Diana. Un fait dûment enregistré dans le livre Guinness des records !