Le procès de «l'agent du Saint-Esprit» au Vatican

Le procès du majordome du pape Benoît XVI s’ouvre ce samedi 29 septembre à la Cité du Vatican. Paolo Gabriele est soupçonné d'avoir livré à la presse des documents confidentiels et doit être jugé pour vol aggravé. Une première dans l’histoire du Vatican.

Par Emilienne Malfatto

Vous avez aimé le Da Vinci Code ? Vous adorerez « Vatileaks » : les mystères de la cité pontificale révélés au grand jour grâce à l’homme de confiance du pape, qui se définit lui-même comme un « agent infiltré de l’Esprit saint ». C’est un peu Panique au Vatican, avec, en bouquet final, un procès à la sauce Dan Brown, qui s’ouvre ce samedi dans la cité pontificale.

Tout commence en janvier de cette année. Plusieurs dossiers confidentiels du Vatican font la Une des journaux italiens, exposant les affaires de la cité papale : corruption, situation fiscale, luttes intestines entre cardinaux, ou encore complot contre Benoît XVI. Le Saint-Siège n’aime pas beaucoup voir son linge sale exposé dans la presse, et il aime encore moins l’idée de « taupes » en son sein.

Afin de dénicher la ou les taupes, le pape Benoît XVI met en place, au printemps, une commission d’enquête sur l’origine de ces fuites. Pourtant, en mai, un pavé est lancé dans la mare pontificale avec la sortie du livre du journaliste Gianluigi Nuzzi Sua Santita - les documents secrets de Benoît XVI, dans lequel il divulgue des documents confidentiels. L’ouvrage contient notamment des lettres et fax ultrasecrets du souverain pontife.

Quelques jours plus tard, le 23 mai, un homme est arrêté par la gendarmerie vaticane en possession illégale de documents confidentiels. Il est « le premier et le dernier à voir le pape » - comme le décrit le Corriere della Sera -, l’homme de confiance, le préféré, aimé comme un fils : le majordome du souverain pontife.

Paoletto, « agent infiltré de l’Esprit saint »

Paolo Gabriele, « Paoletto », comme l’appelait affectueusement Benoît XVI, n’avait pourtant pas le profil d’une taupe. Employé modèle de la cité papale depuis des années, citoyen du Vatican, majordome du pape depuis 2006, marié, père de trois enfants. Un homme au-dessus de tout soupçon. Mais c’était sans compter le sens moral, apparemment aigu, de Paolo Gabriele, qui s’est cru chargé de dénoncer les scandales du Saint-Siège, afin de remettre l’Eglise « dans le droit chemin ».

« Voyant le mal et la corruption partout dans l’Eglise, j’en étais arrivé (…) à un point de non-retour, mes freins inhibiteurs avaient lâché », explique celui qui avait l’impression d’être un « agent infiltré » de l’Esprit saint. « J’étais convaincu qu’un choc, même médiatique, aurait pu être salutaire pour remettre l’Eglise sur les bons rails. »

Gabriele a déclaré avoir agi parce que, dans une atmosphère « d’omerta » et d’« hypocrisie », « le Saint-Père n’était pas correctement informé » de ce qui se tramait autour de lui. Parce qu’il ne supportait plus cette situation, il n’a pas hésité à subtiliser et photocopier des documents ultrasecrets qu’il transmettait à l’extérieur - et notamment au journalise Gianluigi Nuzzi. Un geste qui peut lui coûter cher : Paoletto est accusé de vol aggravé, et risque jusqu’à quatre ans de prison.

Un procès public très privé

L’ancien majordome étant citoyen de l’Etat du Vatican, la législation applicable lors du procès est celle de la cité papale. Il s’agit en fait du code pénal italien de 1889. Trois juges laïcs n’ayant « aucune relation directe avec l’Eglise », ce qui garantit leur « totale indépendance » selon le Vatican, décideront du sort de Paolo Gabriele, au cours d’un procès officiellement public, mais qui a des allures très confidentielles.

Les audiences auront lieu dans le tribunal du Vatican, dans une salle exiguë ne pouvant abriter plus de trente personnes. La presse sera officiellement présente, mais seuls huit journalistes seront admis. Ils seront privés de tout moyen de transmission, et les cameramen et photographes seront interdits.

A l’issue du procès, Gabriele pourra faire appel dans un délai de 25 à 30 jours. S’il est condamné à une peine de prison, il devra la purger dans une geôle italienne, car il n’y a pas de prison au Vatican.

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