Avec notre correspondante à Moscou, Anastasia Becchio
Les applaudissements des partisans de Guennadi Goudkov sont masqués par les cornes de brume des jeunesses pro-Kremlin. Mais c’est à ses soutiens que le député déchu adresse quelques mots avant de s’en aller.
« Nous allons continuer la bataille, explique-t-il, de manière pacifique et civilisée et nous reviendrons à la Douma pour créer un pays normal, un Parlement normal et, avec vous, nous vaincrons. »
C’est le poing levé, marchant vers la porte de sortie de l’hémicycle que Guennadi Goudkov a accueilli la sentence. « Aujourd’hui, j’ai honte pour le pouvoir, a-t-il lancé. Vous tentez de faire taire l’opposition, les critiques […] mais cela ne marchera pas […] Le peuple continuera de sortir dans la rue pour exiger une vie honnête et des élections honnêtes. »
Accusations de fraude fiscale et blanchiment
Guennadi Goudkov est accusé d’avoir conservé des activités commerciales parallèlement à son mandat de député, ce qui est interdit par la loi. Des faits qu’il nie. La Douma, où le parti au pouvoir Russie unie domine largement, n’a pas jugé bon de porter l’affaire en justice, ni d’attendre la fin des investigations lancées par le Comité d’enquête, avant de se prononcer en faveur du retrait du mandat du député de l’opposition.
Une manière de procéder que dénonce Fiodor, un jeune juriste : « Si le pouvoir montre qu'il n'en n'a rien à faire de la loi, comment peut-il demander aux citoyens qu'ils respectent la loi ? Ces gens voient ce qu'il se passe à la télé, et ils se demandent : ' pourquoi, après ça, je devrais respecter la loi si le pouvoir ne le fait pas ? ' C'est un très mauvais signal. »
Très actif dans le mouvement de protestation né après les législatives de l’hiver dernier, Guennadi Goudkov est soumis à des pressions depuis plusieurs mois. Il fait notamment l’objet d’une enquête préliminaire concernant des accusations de fraude fiscale et de blanchiment, lancées par un citoyen bulgare au passé trouble.
Le père et le fils dans la rue
Après la levée de son immunité parlementaire, le Comité d'enquête n'exclut pas pas d'ouvrir un procès contre l'ancien député. Les faits qui lui sont reprochés sont passibles de deux ans de prison.
Lui aussi député, le fils de Guennadi Goudkov, Dimitri, préfère voir le bien dans le mal. « Je suis persuadé que toutes les répressions ne feront qu'accroître la popularité des chefs de file du mouvement d'opposition, estime-t-il. Plus il y a de répression, plus les leaders de l'opposition se font connaître. En fait, le Kremlin est une sorte d'agence de relations publiques gratuite pour les chefs de l'opposition. ».
Les Goudkov père et fils ont d'ores et déjà annoncé qu'ils seraient présents à la manifestation de l'opposition ce samedi dans le centre de Moscou.