Les punkettes russes de Pussy Riot devant la justice pour leur hymne anti-Poutine

Le procès des membres du groupe de féministes punk Pussy Riot a débuté ce lundi 30 juillet devant un tribunal de Moscou. Trois jeunes femmes sont en détention provisoire depuis le mois de mars et risquent d’être condamnées à plusieurs années de prison pour avoir chanté une « prière punk » anti-Poutine dans la cathédrale de Moscou. L’affaire provoque d’importants remous dans la société russe.

Leur performance sauvage n’en finit pas d’attiser les passions. Le 21 février dernier, cinq jeunes femmes ont pénétré dans la cathédrale du Christ-Sauveur à Moscou, pour y improviser un concert de quelques dizaines de secondes, avant d’en être chassées par les gardiens. En robes bariolées et encagoulées, elles ont entonné une chanson contre Vladimir Poutine. « Vierge mère de Dieu, chasse Poutine » : tels sont les premiers mots de cette « prière punk » qui, montée dans un clip vidéo, débute comme un hymne religieux, puis prend rapidement des accents de rock punk.

Quelques jours après cette performance sauvage, trois des jeunes femmes étaient arrêtées et placées en détention provisoire. Récemment, un tribunal de Moscou a prolongé cette détention jusqu'au 12 janvier 2013.

Goutte d'eau

La performance des Pussy Riot dans la cathédrale de Moscou a-t-elle été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase ? Depuis l’automne dernier, les jeunes femmes avaient multiplié les concerts sauvages, sur la place Rouge, dans le métro, ou encore sur le toit d’un bus. Leur but : dénoncer le régime de Vladimir Poutine. Mais leur « prière punk » a aussi provoqué une vive émotion au sein d’une société qui se considère orthodoxe dans sa grande majorité.

D’abord choquée par leur geste, Marina manifeste désormais régulièrement pour la libération des jeunes femmes : « J'ai compris leur message », explique-t-elle. « Ca n'était en aucun cas une action contre les chrétiens orthodoxes. C'est une action contre les liens qu'entretiennent l'Eglise et l'Etat, contre la corruption à l'intérieur de l'Eglise et contre le fait que l'Eglise veut imposer ses valeurs à toute la société ».

Nadejda Tolokonnikova, 22 ans, Ekaterina Samoutsevitch, 29 ans, et Maria Alekhina, 24 ans, sont accusées d'avoir « insulté » et « infligé des blessures morales profondes à des chrétiens orthodoxes », ce qui peut leur valoir jusqu’à sept ans de prison. L’acte d’accusation est truffé de termes religieux, ce que dénoncent les avocats des jeunes femmes. Violetta Volkova souligne qu’à son sens, si les militantes féministes ont commis une infraction, « ça n’était qu’une infraction aux règles de l'Eglise, qui ne doit pas être punie par l'Etat. Chez nous, souligne l’avocate, l'Etat et l'Eglise sont séparés, c'est inscrit dans la loi ».

Symbole du réveil de la société civile

Le patriarcat de Moscou a adopté une position intransigeante, demandant une punition sévère des coupables. A l’inverse, de nombreuses personnalités se revendiquant de l'orthodoxie, ont pris publiquement la défense des trois prévenues. Des membres de plusieurs paroisses moscovites ont aussi publié une lettre ouverte demandant au Patriarche d'adopter une approche chrétienne vis-à-vis de ces jeunes femmes, dont deux ont des enfants en bas âge.

Cet activisme est un phénomène nouveau dans la société russe. Selon le sociologue du centre Levada, Denis Volkov, il est symptomatique d’un état d’esprit qui prévaut depuis le début de la vague de protestation, née après les élections législatives de décembre. « Jusqu'à présent, le régime s'appuyait sur une passivité de la population. Cet activisme, non seulement des acteurs de la société civile, mais aussi des partisans du pouvoir, détruit pratiquement le système politique qui a prévalu jusqu'à présent. Le régime le comprend et il essaye au maximum de l'étouffer par des lois ou en utilisant les institutions comme la justice », explique le sociologue.

Mais en réagissant de façon si sévère, les autorités ont apporté une immense notoriété à ce groupe de punk rock, jusque-là connu d’une poignée d’initiés. Lors de tournées en Russie, Antony Kiedis, le chanteur du groupe de rock américain Red Hot Chili Peppers et la star britannique Sting ont pris la défense des jeunes femmes, qu’Amnesty International considère comme étant des « prisonnières d'opinion ». Alors que selon un sondage réalisé au début du mois de juillet par le centre Levada, un Moscovite sur deux désapprouve le procès intenté aux Pussy Riot.
 

 

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