Le gouvernement britannique est satisfait. Il assure être parvenu à boucler le budget des Jeux olympiques en gardant une réserve de plus de 500 millions d’euros sur les 11,5 milliards prévus. Une performance, la première d’une longue série à venir… Sauf que celle-là mérite qu’on s’y attarde un peu.
Premiers records : les surcoûts
Cinq cents millions d’euros d’économie sur les 11,5 milliards budgétés, ce n’est déjà pas si mal. Mais il faut se rappeler que lors de sa candidature, en 2005, Londres avait emporté la partie en promettant une facture de 3,5 milliards d’euros « à peine ». Sept ans plus tard, la note atteint plus du triple. En général, ont observé des économistes, le budget réel des Jeux est supérieur de 179% à celui présenté lors de la candidature. Mais Londres est d’ores et déjà au-dessus de cette moyenne avec un dépassement de 190% !
Un classique du genre si on se souvient par exemple des Jeux de 1976 organisés à Montréal, qui avait vu le montant estimé en 1972 multiplié par dix pour atteindre trois milliards de dollars (2,4 Md€) quatre ans après. La métropole de la Belle Province mettra trois décennies à rembourser le tout alors qu’aujourd’hui, une partie des infrastructures routières construites à l’occasion des JO de 1976, est en ruines.
Le surcoût des Jeux olympiques est depuis lors une antienne à laquelle échappent bien peu des villes sélectionnées. Mais c’est Pékin qui, pour les Jeux de 2008, occupe jusqu’à présent la première marche du podium avec un budget initial de 16 milliards de dollars (13 Md€) qui a atteint au bout du compte le record de 42 milliards (34 Md€) ! Et encore, ces chiffres mirobolants ne comprennent-ils que les infrastructures sportives. Routes, logements, dessertes viennent ensuite peser encore plus lourdement sur les dépenses.
Un des arguments pour justifier de tels engagements financiers consiste, pour les villes choisies, à mettre en avant le fait que les Jeux leur permettent de construire en deux ou trois ans des équipements publics qui leur demanderaient normalement plusieurs décennies. Barcelone, ville olympique en 1992, a par exemple largement bénéficié des Jeux en modifiant à la fois le visage et l’image de la ville. Quant à Londres, elle a aussi profité de l’occasion pour renforcer son réseau de transports dans l’est de la capitale. Huit milliards d’euros ont ainsi été investis sur ce poste.
Perdant-perdant
A l’opposé, Athènes a vu ses finances plombées par les coûteux JO qu’elle a organisés en 2004. D’un prix de revient de 9 milliards d’euros, ce qui est beaucoup pour un petit pays, les jeux ont fait grimper le déficit public à 7,5% du PIB en 2004, alors qu’il était à la baisse depuis 1999. Et encore, alors qu’elle est maintenant dans le tourmente, la Grèce est accusée d’avoir dissimulé une partie de ses dettes de l’époque.
Sûr de lui, le gouvernement britannique a misé sur les JO de Londres pour tonifier son économie mal en point. Mais son calcul n’a pas reçu l’aval de l’agence de notation Moody’s qui vient de mettre un sérieux bémol à l’optimisme officiel. Pour cette dernière, les JO « constituent une occasion formidable en terme de marketing » pour les grands sponsors mais « les bénéfices ne seront que de courte durée ». Moody’s poursuit : « Les JO ont peu de chances de stimuler de manière substantielle l’économie britannique ». L’agence évalue ainsi à 1% le taux de croissance généré par les Jeux, mais ce petit mieux sera étalé sur plusieurs années, nuance-t-elle.
A l’occasion de chaque Olympiade, la question revient : comment faire pour que cesse cette inflation de budgets déraisonnables ? Le Comité international olympique (CIO) le jure pourtant la main sur le cœur, il fait tout pour arrêter ces dérives. On s’interroge alors sur le fait que les Jeux aient été attribués à Londres en 2012 et à Rio de Janeiro en 2016, les deux villes les plus dépensières. Candidate pour 2020, Rome a finalement jeté l’éponge et retiré son dossier pour des motifs économiques.
La fin du jeu de dupes pourrait cependant être sifflée. L’économiste du sport, Wladimir Andreff, a sa petite idée sur le sujet. Il préconise carrément d’attribuer une fois pour toutes les Jeux à la ville d’Olympie. Un retour permanent aux sources et, croit-il, la bonne manière de mettre fin aux surenchères budgétaires. Pas sûr cependant que le CIO regarde d’un œil bienveillant une telle suggestion qui réduirait à pas grand-chose sa colossale puissance financière.