Mission très délicate pour l’envoyé grec à Luxembourg : ramener la confiance, en faisant comprendre que les blocages politiques successifs sont terminés, que le gouvernement est opérationnel et que le calme est revenu à Athènes. C’est un message très attendu par les ministres de la zone euro, mais également par les milieux d’affaires grecs.
Vassilis Korkidis, président de la Confédération nationale du commerce hellénique et chef d’une entreprise en import-export, est à bout de patience avec les hommes politiques grecs : « Mon espoir, explique-t-il, c'est que le nouveau gouvernement n’utilisera plus deux mots qui nous ont tous fait peur, ici et ailleurs, à savoir "drachme" et "élections". La drachme appartient au passé ».
« Quant au mot "élections", nous devons l'oublier jusqu’à 2014 au moins, estime M. Korkidis. Les affaires ont besoin de stabilité politique et économique. Tout ce que nous demandons, c’est un gouvernement qui nous donne un espoir de survie. Nous ne voulons pas d'un gouvernement qui nous montre la sortie de la zone euro, mais un gouvernement qui nous montre la sortie de crise ».
« Plus d'argent pour acheter de la viande »
Sortir de la crise, oui, mais comment ? Un millier d'emplois disparaissent chaque jour, un commerce sur trois a déjà mis la clé sous la porte, 22% de la population active n’a plus de travail. Entre autres conséquences, la consommation est en chute libre. Un constat confirmé par ce boucher du marché central d’Athènes, Vassilis Yiaxis, qui peine à payer ses douze employés.
« On a perdu 40 à 50% de notre chiffre d’affaires, relate le commerçant. Dans ce marché, il y avait toujours du travail, parce qu'on vend nos produits moins chers. Ici, le kilo d’agneau est à 7 euros, ailleurs on l’achète à 10 euros. Alors, les gens venaient ici, les gens simples. Aujourd’hui, ces gens là n’ont plus d’argent pour la viande, même ici. »
La Grèce est dans sa cinquième année de récession, étranglée par une cure d’austérité qui se traduit entre autres par des baisses brutales des salaires, et une forte progression des impôts.
Ce jeudi à Luxembourg, le nouveau ministre des Finances devrait donc demander une pause pour donner une bouffée d’oxygène à l’économie grecque asphyxiée. Athènes réclame plus de temps pour rembourser sa dette et plus de temps pour réduire son déficit.
« C'est l'impasse »
Cet été, le nouveau Parlement devra adopter de nouvelles coupes budgétaires pour économiser 11 milliards d’euros – à moins que le cri d’alarme de l’émissaire grec à Luxembourg ne soit entendu. Michalis Spourdalakis, professeur de sciences sociales à l’université d’Athènes, n’y croit pas trop.
« Nous allons cumuler encore plus de conditions tragiques, prévoit-il. Il y a des gens dans ce pays, qui sont sérieusement malades et n’arrivent pas à avoir leurs médicaments, parce que tout l’argent va chez ceux qui détiennent nos dettes. Il n’y plus d’argent pour satisfaire les besoins sociaux de ce pays. C’est l'impasse. »
L’optimisme n’est pas vraiment de mise à Athènes. Malgré le nouveau gouvernement de « salut national », les Grecs restent sceptiques.