Berlin, sous pression, veut rester ferme sur le pacte budgétaire européen

Depuis l’élection, dimanche 6 mai, de François Hollande en France, les milieux gouvernementaux allemands ont voulu signifier au nouveau président français que leur position n’était pas négociable. Mais en Europe, comme en interne, le gouvernement Merkel doit faire face à de plus en plus de résistances.

De notre correspondant à Berlin,

Dès lundi, Angela Merkel, qui avait soutenu résolument Nicolas Sarkozy durant la campagne présidentielle française, avait rappelé que pour son gouvernement, le pacte budgétaire européen renforçant les contrôles et les sanctions contre les Etats membres n’assainissant pas suffisamment leurs finances publiques n’était pas négociable.

La chancelière allemande en est la mère spirituelle. Elle redoute une remise en cause du texte auquel François Hollande voudrait ajouter des composantes favorisant la croissance. Plusieurs responsables allemands ont répété durant la semaine que les traités internationaux signés par les Etats étaient contraignants et ne pouvaient pas être remis en cause à chaque nouvelle élection nationale.

Deux logiques économiques s'opposent

Berlin ne rejette pas la nécessité d’une croissance plus importante pour dynamiser les économies européennes, à commencer par celles des pays les plus en difficultés. Mais le mot dissimule des contenus différents en France et en Allemagne. Deux logiques économiques s’opposent. Celle de la France, et a fortiori des socialistes de la gauche française désireux de soutenir la demande en accroissant les dépenses publiques et celle de l'Allemagne pour laquelle l’offre figure au centre. Des réformes de structures comme celles menées par le chancelier social-démocrate Gerhard Schröder (1998-2005) pour libéraliser le marché du travail par exemple, joue un rôle important en Allemagne.

De telles politiques n’impliquent pas de nouvelles dépenses honnies par Berlin qui les jugent par ailleurs improductives macroéconomiquement. Elles ont en revanche, dans la lecture du gouvernement allemand, le mérite de libérer de nouveaux potentiels au sein des pays concernés et de soutenir sur la durée la croissance de façon saine.

François Hollande mardi prochain à Berlin

« Distribuer de l’argent que l’on n’a pas, ce n’est pas une politique de croissance, c’est la mauvaise voie », a ainsi affirmé, ce vendredi 11 mai dans une interview, le grand argentier allemand, le ministre des Finances Wolfgang Schäuble. La veille, Angela Merkel avait dénoncé une politique qui ramènerait l’Europe en arrière, à la période précédent la crise actuelle, ruinant ainsi les efforts douloureux d’assainissement des finances publiques mis en place depuis.

Ces déclarations fermes sonnent comme une fin de non recevoir à l’égard de François Hollande attendu mardi 15 mai à Berlin pour sa première rencontre officielle avec Angela Merkel et ne laissent a priori pas présager d’une prise de contact facile entre les deux responsables. Mais ces déclarations doivent être relativisées. D’abord parce qu’elles relèvent d’une stratégie classique en amont d’une négociation : faire monter les enchères pour avoir à faire, à l’arrivée, le moins de compromis possibles.

Election test en Rhénanie du Nord Westphalie ce dimanche 13 mai

Ce ton ferme s’explique aussi au plan intérieur par la tenue ce dimanche d’une élection test dans la plus grande région d’Allemagne, la Rhénanie du Nord Westphalie (18 millions d’habitants) où le score des chrétiens-démocrates d’Angela Merkel s’annonce médiocre. Leur chance de reprendre cette région traditionnellement à gauche est plus que mince. Pour les responsables au pouvoir à Berlin, rejetter tout compromis face aux espoirs de la nouvelle direction française est censé séduire les électeurs. Plus de la moitié des Allemands rejette ainsi toute politique impliquant de nouvelles dépenses. L’assainissement prioritaire des finances publiques fait il est vrai, dans ce pays, l’objet d’un large consensus.

Les accents fermes des responsables gouvernementaux allemands doivent être ensuite relativisés par les pressions dont ils font l’objet. En interne d’abord, en raison de la nécessité d’obtenir les voix d’une partie de l’opposition pour faire adopter le pacte budgétaire au Parlement. Une majorité des deux tiers est nécessaire. Les sociaux-démocrates et les Verts qui ont comme un seul homme ou presque voté les précédentes mesures en faveur de la zone euro veulent cette fois monter le ton face à la chancelière. Ils soutiennent le point de vue de François Hollande, estimant comme le président français que la croissance doit aussi être soutenue pour donner une perspective au vieux continent. La gauche allemande peut donc faire pression sur la chancelière pour la contraindre dans les négociations internationales à infléchir son cours.

Un cours qui a moins de supporters que dans le passé. Les dernières semaines ont montré que différents pays européens, également conduits par des conservateurs comme l’Espagne, plaidaient pour un soutien à la croissance. L’échec de Nicolas Sarkozy, la démission du gouvernement néerlandais, ont fait perdre deux alliés de poids à Angela Merkel qui aura beaucoup de mal à maintenir son rigorisme sur la rigueur.

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