Elections générales: une Serbie divisée ressort des urnes

Les Serbes votaient ce dimanche 6 mai pour des élections présidentielle, législatives et locales. Aucun vainqueur clair ne se dégage, sauf le « troisième homme », le chef du Parti socialiste de Serbie, Ivica Dacic, qui se retrouve en position de faiseur de rois.

Les démocrates serbes de Boris Tadic, président sortant et candidat à sa réélection, voulaient faire des élections générales de dimanche un référendum sur la poursuite du rapprochement européen de la Serbie. Pour cela, ils espéraient capitaliser le succès enregistré en mars dernier, avec l’octroi du statut officiel de pays candidat à la Serbie. C’est pourtant une Serbie plus divisée que jamais qui ressort des urnes.

Le Parti démocrate (DS) de Boris Tadic est légèrement devancé par son principal rival, le Parti progressiste serbe (SNS) de Tomislav Nikolic, les deux formations recueillant chacune près d’un quart des voix. Le SNS est issu d’une scission du Parti radical, la formation « historique » de l’extrême droite serbe, mais il a opéré un spectaculaire aggiornamento, en se ralliant formellement à l’objectif d’intégration européenne du pays.

Une Serbie durement touchée par la crise

Ces résultats représentent un désaveu sans appel pour le DS, qui avait remporté plus de 38% des voix aux dernières élections législatives de mai 2008. Le parti avait mis en avant deux thématiques principales : l’intégration européenne de la Serbie et la « défense du Kosovo ».

Mais, dans une Serbie durement touchée par la crise et affectée par un chômage massif, les électeurs se sont montrés bien plus préoccupés par les questions économiques et sociales, sur lesquelles le parti n’avait guère de réponses crédibles à apporter. Selon Miljenko Dereta, directeur de la plate-forme d’ONG Initiatives citoyennes, le sentiment dominant était celui qu’il fallait « punir le DS ». Or, selon lui, cela pouvait se faire de trois manières : « en votant pour le SNS de Nikolic, en ne votant pas ou en accordant son bulletin à de petits partis ».

La participation a été sensiblement équivalente à celle constatée en 2008 (61% des inscrits), mais la scène politique apparaît très éclatée, les deux « grands » partis ne recueillant même pas, ensemble la moitié des suffrages. Le Parti socialiste de Serbie (SPS) du ministre sortant de l’Intérieur, Ivica Dacic, se retrouve plus que jamais en position d’arbitre, en arrachant la troisième place avec 14,6% des suffrages.

La formation de Slobodan Milosevic avait, elle aussi, engagé un radical aggiornamento après les élections de 2008, en s’alliant avec les démocrates. Ivica Dacic a tout fait pour s’imposer comme « l’homme fort » du gouvernement. Vendredi, il avait même lancé une opération de police très controversée dans le sud de la Serbie, arrêtant d’anciens guérilleros albanais, ce qui a été largement perçu comme une opération de communication du ministre-candidat.

Dimanche soir, Ivica Dacic a déclaré que « si la Serbie ne savait pas encore quel serait son futur président, elle connaissait déjà son Premier ministre », à savoir lui-même. L’ancien bras droit de Milosevic va en effet ouvrir des négociations, d’abord avec les démocrates de Boris Tadic, puis avec le SNS, mais en exigeant en tout les cas que la direction du gouvernement lui revienne.

L'heure des tractations et des négociations

Toutefois, trois autres partis passent le seuil de 5% des exprimés et d’entrer au Parlement, les Libéraux de Cedomir Jovanovic (6%), les nationalistes de Vojislav Kostunica (7%) et le Parti des régions unies de Serbie de l’ancien ministre des Finances Mladjan Dinkic (5,5%). De la sorte, l’heure des tractations et des négociations va s’ouvrir. Sur le papier, à peu près toutes les combinaisons sont possibles. Le DS comme le SNS vont essayer de former une coalition en obtenant le ralliement des « petits » partis, bien décidés à se faire payer le plus cher possible.

Alors que les deux « grandes » formations défendent aujourd’hui des programmes assez peu différents, ce sont ces accords de coalition qui pourraient faire pencher le futur gouvernement serbe vers une orientation plus ou moins nationaliste – sachant que l’hypothèse d’une « grande coalition » réunissant le DS et le SNS ne peut pas, non plus, être exclue, malgré les assurances des intéressés.

L’issue des tractations dépendra aussi, naturellement, des résultats du second tour de l’élection présidentielle qui opposera le 20 mai prochain Boris Tadic à Tomislav Nikolic. Les deux candidats sont également au coude à coude, avec un léger avantage pour le sortant, qui ne laisse en rien présager du résultat final. En regroupant les scrutins présidentiel et parlementaire, Boris Tadic voulait « dramatiser » l’enjeu et obtenir un résultat plus clair. On est bien loin du compte.

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