Avec notre correspondant à Bruxelles, Quentin Dickinson
Dans l’ensemble, les milieux européens jugent avec sévérité le rôle que s’est assignée l’agence Standard & Poor’s, perçue comme une espèce de prophète de mauvaise augure, qui contribuerait activement à la réalisation de ses propres prévisions.
« Cette poignée d'ayatollahs new-yorkais, disait hier soir un haut fonctionnaire européen, n’a aucune idée des réalités de la gestion en temps de crise, d’un groupe d’Etat souverain ». Et d’ajouter : « Ils ne mesurent pas l’ampleur du travail en cours, qui devrait, à l’avenir, nous mettre à l’abri de ce genre de situations ».
Caustique, le commissaire européen aux Affaires économiques et monétaires, le Finlandais Olli Rehn, précise qu'il a vérifié si cette fois-ci, le communiqué de Standard & Poor’s n’était pas dû à un dysfonctionnement informatique, comme en novembre dernier, avant de le juger parfaitement contradictoire.
Standard & Poor’s estime, d’autre part, pouvoir mettre en cause le triple A dont dispose le Fonds européen de stabilité financière (FESF), organe chargé de secourir les pays européens en difficulté.
Le président de l’Eurogroupe, le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker, rétorque que doté d’un capital propre, le mécanisme européen de stabilité qui prend le relais du FESF dans six mois, sera entièrement indépendant des fluctuations des notations des Etats de l’Union européenne.
Seule l'Allemagne s'en sort indemne
Six pays européens jouissaient d'un triple A, désormais, ils ne sont plus que quatre à conserver la note d'excellence et donc à tirer, pour le moment encore, leur épingle du jeu.
En fait, un seul pays de l'Union européenne s'en sort indemne : c'est l'Allemagne, qui conserve son triple A, assorti d'une perspective stable au cours des deux prochaines années. Juste en-dessous, le Luxembourg, les Pays-Bas, et la Finlande restent notés triple A, mais avec une perspective négative.
Ces résultats doivent cependant être relativisés : à ce jour, seulement Standard & Poor's a émis un avis globalement négatif sur les pays européens, alors que les deux autres agences mondiales, Fitch Ratings et Moody's, n'ont pas jugé utile de raboter les triple A de la France et de ses principaux partenaires dans l'Union européenne.
Le côté éminemment subjectif des notations apparaît d'ailleurs clairement dans l'évaluation que fait le quatrième larron - moins connu, mais déjà redouté - le Chinois Dagong, pour qui l'Allemagne ne vaut guère mieux qu'un AA+, la France, un AA-, et le Royaume-Uni un bien modeste A+, à comparer avec les Etats-Unis : un A tout court, à perspective négative. Dans les agences de notation, on peut donc prendre ce que l'on veut, et laisser le reste.