Belgrade / Mitrovica – Pour Belgrade, le temps est compté. La Serbie espère obtenir le statut officiel de pays candidat à l’intégration à l’occasion du sommet européen du 9 décembre. Or, l’UE n’a officiellement fixé qu’une seule condition : la poursuite du dialogue technique avec Pristina.
Il faut donc parler, même si peu d’avancées ressortent des discussions. Pristina sait bien que Belgrade a donc, théoriquement, plus à gagner qu’elle de ce processus de dialogue et, du coup, la délégation du Kosovo n’entend pas baisser ses exigences.
De toute manière, malgré les thèmes inscrits à l’ordre du jour de cette nouvelle session de discussion, celle-ci restera dominée par le blocage qui prévaut toujours dans le nord du Kosovo. Le 3 juillet dernier, lors d’une précédente rencontre, les délégations de Belgrade et de Pristina avaient cru pouvoir trouver un compromis sur les douanes. Cet accord a servi de « prétexte » au gouvernement de Pristina qui a essayé, trois semaines plus tard, de reprendre par la force le contrôle des deux passages frontaliers entre le nord du Kosovo - à majorité serbe - et la Serbie. La population serbe locale s’est aussitôt insurgée, érigeant des barricades qui, en quatre mois, n’ont cessé de se consolider, malgré les « ultimatums » régulièrement lancés par la communauté internationale exigeant le démantèlement de ces ouvrages défensifs et la restauration d’une complète liberté de circulation dans le nord du Kosovo.
« Initiatives unilatérales »
Dans un premier temps, le gouvernement serbe a directement soutenu les « insurgés » du Nord, dénonçant les provocations et les « initiatives unilatérales » de Pristina. Borislav Stefanovic, le chef de l’équipe de négociation serbe et le ministre du Kosovo et Metohija, Goran Bogdanovic, ont passé une bonne partie de leur été sur les barricades. Cette belle entente entre « le peuple serbe du Kosovo » et ses dirigeants a volé en éclats depuis la fin du mois d’août.
En effet, l’Allemagne a annoncé qu’elle mettrait son veto à la candidature européenne de la Serbie si Belgrade ne démantelait pas les « structures parallèles serbes » du Kosovo. Les autres pays européens sont moins intransigeants, mais l’idée prévaut néanmoins qu’il est impossible d’octroyer le statut de candidat à la Serbie sans une « normalisation » de la situation dans le nord.
Le dos au mur
Les Serbes du nord du Kosovo sont bien conscients d’avoir le dos au mur, et craignent de connaître le sort des Serbes de Croatie, « lâchés » par le régime de Belgrade à l’été 1995, et contraints à un exode massif. Dans ce contexte, les maires des quatre communes serbes de la région, qui se sont imposés comme porte-parole de la communauté, s’opposent désormais catégoriquement à la poursuite des discussions avec Pristina et dénoncent, par avance, la conclusion du moindre accord. Des solutions du désespoir se font entendre. Ainsi, la semaine dernière, quelque 20 000 Serbes du Kosovo ont annoncé qu’ils allaient demander la nationalité russe, dans l’espoir de bénéficier ainsi d’une plus forte protection…
S’il faut malgré tout que la nouvelle session de négociation débouche sur un accord, Borislav Stefanovic se trouve dans une situation délicate. Vendredi, la commission parlementaire serbe en charge du Kosovo s’est séparée sans rien conclure, après avoir entendu le chef de l’équipe de négociation et les représentants serbes du Kosovo. L’opposition est hostile à tout accord, et l’unité de la majorité parlementaire serbe a aussi volé en éclats sur le sujet.
Lundi matin, le président Boris Tadic a solennellement mis en garde : le dialogue en cours avec Pristina ne saurait déboucher sur une reconnaissance, même implicite, de l’indépendance du Kosovo par la Serbie. L’axiome central de la politique de Boris Tadic – défense de la souveraineté serbe sur le Kosovo et poursuite de l’intégration européenne du pays – semble pourtant relever de plus en plus de la quadrature du cercle.