Silvio Berlusconi, un «Cavaliere» désarçonné

Le président du Conseil italien, richissime homme d’affaires à la longue carrière politique émaillée de scandales, a été poussé vers la sortie mardi 8 novembre 2011 à Rome après avoir perdu sa majorité absolue à la Chambre. À 75 ans, il affirme qu'il démissionnera après l'adoption des réformes promises à ses partenaires européens. Prépare-t-il une ultime manœuvre ? Le Cavaliere aura en tout cas marqué la vie politique italienne durant près de vingt ans. Fantasque, honni par ses adversaires politiques, il a longtemps bénéficié d'un large soutien populaire.

Ces derniers temps, il accumulait les déboires. Le coup de grâce fut sans doute donné par l’échange de sourires entendus entre Angela Merkel et Nicolas Sarkozy, interrogés à Bruxelles sur leur degré de confiance à l’égard du chef du gouvernement italien. Humiliation douloureusement ressentie dans toute la péninsule.

Une cote de popularité au plus bas, en déficit de crédibilité internationale, sous pression de l'Union européenne pour faire adopter un plan d'austérité afin d’éviter la contagion de la crise grecque, Silvio Berlusconi a perdu la majorité absolue à la Chambre des députés.

Capacité à rebondir

À 75 ans, c’est peut-être l'issue définitive d’un long parcours politique pour celui qui accéda pour la première fois à la présidence du Conseil en 1994. Un personnage haut en couleurs, sorte d’anti-technocrate collectionneur de scandales et de procès mais longtemps apprécié d’une large frange de l’opinion pour son énregie, son style direct et sa capacité à rebondir.

Créateur du mouvement politique de centre-droit Forza Italia, Silvio Berlusconi remporte les élections de mai 1994 mais doit quitter ses fonctions de président du Conseil huit mois plus tard, après le retrait de la Ligue du Nord de sa coalition. En juin 2001, nouveau succès de sa formation aux élections générales, il retrouve son poste. Il reste au pouvoir jusqu'en avril 2006, date de sa courte défaite face au mouvement de centre-gauche mené par Romano Prodi. Le 8 mai 2008, élections anticipées : après la victoire de sa coalition baptisée Le Peuple de la Liberté, le Cavaliere est nommé pour la troisième fois président du Conseil.

« Al Tappone »

Plaisanteries plus ou moins fines, élégance latine et faconde parfois outrée, Silvio Berlusconi a su imposer son surnom de « Cavaliere » (cavalier), titre honorifique italien qui lui fut décerné en 1977. D’autres sobriquets lui ont été attribués à son insu : « Sua Emittenza » (jeu de mots entre éminence et émetteur, en référence à son groupe de médias) ou « Al Tappone » (contraction entre Al Capone et « tappo », qui en italien signifie bouchon et s'emploie pour décrire des personnes petites et trapues).

Issu d’un milieu plutôt modeste de Milan, cet ancien vendeur d'aspirateurs qui fut aussi chanteur de charme dans des croisières s’est construit une fortune colossale. Fondateur de la holding financière Fininvest, puis du groupe de communication Mediaset, Silvio Berlusconi est en 2011, selon le magazine Forbes, la troisième fortune d'Italie et la 118e personnalité la plus riche au monde. Ses actifs sont estimés à 7,8 milliards de dollars américains.

Le Cavaliere est régulièrement accusé par ses détracteurs d'utiliser le Parlement pour se confectionner des lois « ad personam », destinées à lui éviter les foudres de la justice. Sa carrière est une litanie de démêlés judiciaires. Il est, aujourd’hui encore, poursuivi dans trois affaires dont une pour fraude fiscale et une autre pour prostitution de mineure, dans le cadre du Rubygate. Ce scandale, le plus retentissant, a rendu célèbre l’expression « bunga-bunga » utilisée par le président du Conseil pour désigner les soirées torrides qu’il organise dans ses luxueuses villas.

Record de longévité

Grand amateur de fêtes et de jolies femmes, habitué des relations tarifées – toujours démenties - mais véritable séducteur, Berlusconi reste incorrigible malgré ses 75 ans : à Bruxelles, les caméras ont récemment capté son regard oblique sur la silhouette de la grande et blonde chef du gouvernement danois. Largement commentée par une presse affligée, la vidéo tourne en boucle sur internet. Mais le magnat des médias assume : « J'aime faire la cour aux belles femmes et les faire se sentir des princesses », confie-t-il dans le nouveau livre de son ami journaliste Bruno Vespa.

Silvio Berlusconi a beau exaspérer ses adversaires et désespérer parfois ses amis, il détient le record de longévité pour un président du Conseil sous la République italienne : plus de huit ans cumulés début 2011. Est-ce vraiment la fin pour ce phœnix de la politique italienne ? « Je ne me représenterai pas, et même, je me sens libéré », assure le Cavaliere au journal La Stampa, ajoutant qu'il souhaite remettre le flambeau à son dauphin, Angelino Alfano, à qui il a déjà confié les rênes de son parti comme secrétaire général du Peuple de la Liberté.

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