Georges Papandréou: le coup de poker permanent

Désavoué par une partie de son gouvernement, Georges Papandréou s’est dit prêt, jeudi 3 novembre, à abandonner son projet de référendum. Et implicitement, à accepter l’échec d’une initiative personnelle qui était apparue comme un ultime coup de poker. Une stratégie éprouvée pour ce fils et petit-fils de Premier ministre, et qui a peut-être trouvé là ses limites.

Quand tout s’effondre. Le 26 octobre, Georges Papandréou concluait avec ses partenaires européens un énième plan de sauvetage de son pays. Rien n’indique qu’il ne lui a pas été imposé, mais toujours est-il qu’il devait permettre à la Grèce de se relever, et aux chefs d’Etats et de gouvernement des 27 d’être soulagés.

Le répit aura été bref. Quatre jours plus tard, Georges Papandréou tente un coup de poker et annonce son intention de faire ratifier le plan par référendum. Il déclenche alors une tempête au sein de l’UE, car le scénario selon lequel les Grecs voteraient en faveur d’une nouvelle cure d’austérité est très hypothétique. Jeudi 3 novembre, Georges Papandréou s’est dit finalement prêt à retirer son projet de référendum. Et a sérieusement menacé une carrière politique faite de coup d’éclats.

Personnage cryptique

Encore relativement populaire à l’été 2010, six mois après son arrivée au pouvoir, le leader du parti socialiste grec (Pasok) pouvait se targuer du soutien de 50% à 60% de la population grecque. Ce n’est plus le cas. « Papandréou était politiquement à bout de souffle. Il a fait un saut dans l’inconnu en espérant que par ce référendum il allait obliger les Grecs à donner une réponse qu’il serait capable d’interpréter comme un renouveau de confiance en sa personne », explique à RFI le politologue Georges Prévélakis.

Le chef du gouvernement est en effet contesté par les Grecs, entre grève générale et manifestations à répétition. Mais aussi par sa majorité : de 160 députés en 2009, il ne comptait, au matin du 26 octobre, plus que 152 soutiens parmi les parlementaires, soit deux de plus que la majorité nécessaire pour maintenir son gouvernement. Un gouvernement que Papandréou n’avait pas consulté sur l’opportunité de faire un référendum, et qui a commencé à se déchirer sur le sujet. Cinq ministres, dont le numéro deux, le ministre de l’Economie Evangélios Venizélos, ont désapprouvé l’idée.

Ce coup d’éclat de Papandréou était donc peut-être celui de trop. Car il n’était pas le premier. « Si on regarde sa carrière, chaque fois qu’on avait l’impression qu’il était dans l’impasse, il a réussi à survivre, justement par des coups de poker », note Georges Prévélakis. Ceux qui l’ont côtoyé décrivent Papandréou comme un homme souvent imprévisible. « C’est un personnage assez cryptique, difficile à déchiffrer », juge Costas Motopoulos, membre du Pasok.

Héritage politique

Le mystère, la surprise : peut-être Papandréou cherche-t-il à se démarquer, notamment d’un héritage qui peut paraître pesant. Georges est le fils d'Andréas Papandréou (1919-1996), Premier ministre à deux reprises entre 1981 et 1996, et d’un autre Georges, à la tête du gouvernement au début des années 1960.

Né aux Etats-Unis, Papandréou a passé une partie de sa vie à l’étranger, notamment en Suède, jusqu’à la chute du régime des Colonels en 1974. Il a également été en poste à l’université d’Harvard en 1992 et 1993. Ces séjours prolongés à l’étranger lui ont valu d’être accusé de ne pas assez bien connaître la Grèce.

Plusieurs fois ministre à partir de 1988, Georges Papandréou prend la tête du parti socialiste grec, après la démission de Kostas Simintis en 2004, à la veille d’élections qui s’annoncent mauvaises pour le Pasok et que le parti perdra. Malgré l’absence d’opposants, Papandréou tient à organiser des primaires internes au Pasok, une façon de légitimer sa place autrement que par son capital familial.

Il succède finalement à ses aïeux au poste de Premier ministre en octobre 2009, après que les conservateurs, au pouvoir depuis 2004, se soient retrouvés au centre d’un scandale impliquant l’Eglise orthodoxe, et qui révèlera l’ampleur de la dette du pays. En juin 2011, les Grecs accentuent leurs protestation contre les plans d’austérité, et demandent notamment la démission du ministre des Finances Georges Papakonstantinou.

Papandréou se trouve dos au mur et joue encore au poker : « Il a annoncé sa démission du poste de Premier ministre, puis a subi des pressions de son parti, et il a changé d’avis. C’est la preuve que c’est quelqu’un qui ne maîtrise même pas vraiment son camp », selon Georges Prévélakis. Il propose de créer un gouvernement d’union nationale, mais n’obtient pas l’accord de l’opposition dans ce but. Il forme un nouveau gouvernement de gauche resserré, et doit nommer son rival Venizélos aux Finances.

Fuites en avant

S’efforçant de faire preuve de pédagogie face au ras-le-bol de ses concitoyens, Papandréou tente de négocier au mieux l’aide de l’Union européenne et d’empêcher la banqueroute de son pays. Il s’appuie pour cela sur son expérience internationale et sa parfaite maîtrise de l’anglais. Jusqu’à l’annonce du référendum, qui le met dans une situation très délicate : « Sa tactique des coups de poker avait marché jusqu’à présent. En fait, ce sont des fuites en avant, des manières de gérer la politique, mais il y a un moment où les problèmes s’accumulent et ne sont plus gérables », analyse encore Georges Prevelakis.

La tactique de Papandréou est-elle arrivée à bout ? Il sera fixé sur son sort vendredi 4 novembre, lors d’un vote de confiance du Parlement. Il se murmure qu’il aurait déjà perdu les deux députés d’avance lui permettant de sauver sa majorité absolue.

Mais la démission de Papandréou ne sonne pas forcément la fin de sa carrière. Car rien n’indique qu’il perde dans la foulée la tête du Pasok. Il pourrait donc conduire son parti lors d’élections législatives qui semblent se rapprocher, et que la droite pourrait remporter. Sa stratégie pourrait alors être de laisser l’opposition trouver un impossible équilibre entre les négociations internationales et la stabilité interne. Pour mieux la contrer par la suite. Le coup de poker n’est peut-être alors pas si loupé que cela, et n’est peut-être pas le dernier.

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