Depuis cinq ans, la voix d’Anna Politkovskaïa manque en Russie

Il y a 5 ans, le 7 octobre 2006, Anna Politkovskaïa était assassinée. La journaliste du tabloïd d’opposition Novaïa Gazeta a été abattue de plusieurs balles, dans le hall de son immeuble à Moscou. A l’occasion de ce jour, plusieurs commémorations sont organisées à Moscou.

Avec notre correspondante à Moscou

Les anciens collègues, la famille et les proches d’Anna Politkovskaïa vont se réunir, ce vendredi, pour une soirée commémorative à la maison des Journalistes, où un film sur la journaliste sera projeté. Des représentants de l’opposition ont prévu par ailleurs de déposer des fleurs devant l’immeuble où elle a été assassinée. La télévision, elle, sera sans doute accaparée par un autre anniversaire, celui de Vladimir Poutine, 59 ans aujourd'hui. Poutine que la journaliste assassinée avait souvent critiqué et à propos duquel elle écrivait « je ne l’aime pas, à cause de son cynisme, de ses mensonges ».

Après le meurtre d’Anna Politkovskaya, Vladimir Poutine avait déclaré qu’elle avait été une critique acerbe du pouvoir, mais que son influence sur la vie politique du pays était « extrêmement insignifiante ». Une phrase, qui cinq ans après, fait toujours bondir la militante des droits de l’homme Svetlana Gannouchkina, qui a travaillé étroitement avec Anna Politkovskaïa.

« C’est juste ridicule : le monde entier la connaissait, l’Occident savait qui elle était, elle était connue de tous en Tchétchénie, tous les défenseurs des droits de l’homme la connaissaient. Qu’est ce qu’il lui faut de plus ? Son rôle était colossal. Ses articles comportaient toujours un appel, qui exigeait une réaction. Souvent les articles passent inaperçus, les autorités n’en n’ont rien à faire, mais Ania, elle avait cette capacité de les obliger à répondre. Elle avait cette aptitude à « brûler, avec le verbe, le cœur des hommes », comme disait Pouchkine. Il n’existe pas de deuxième voix comme celle-là ».

Peu d’information venant du Caucase

Anna Politkovskaïa a beaucoup écrit sur la Tchétchénie. Et depuis son assassinat, le rédacteur en chef de Novaïa Gazeta, Dimitri Mouratov, estime que l’information venant du Caucase s’est quelque peu tarie. Dans ses articles, Anna Politkovskaïa citait les témoignages de réfugiés tchétchènes, de soldats, de proches de personnes disparues, et dénonçait des cas de torture et aujourd’hui rares sont ceux qui osent dénoncer ces exactions par peur des représailles.

L’hebdomadaire New Times est retourné en Tchétchénie à la rencontre des personnes sur lesquelles Anna Politkovskaïa avait écrit. Il y a notamment le récit de cet homme qui a raconté que la journaliste lui avait envoyé un avocat lorsqu'il était en prison : « Anna était une femme étonnante, dit il. Elle écrivait, comme si elle faisait partie de notre peuple et elle disait ce que le peuple ne pouvait dire tout haut ».

L’enquête n’avance pas

Cinq ans sa mort, personne n'a encore été condamné. Selon l'accusation, le meurtre a été commis par trois frères tchétchènes, et un ancien lieutenant-colonel de la police russe a été inculpé début septembre pour l'organisation de ce meurtre. Mais le commanditaire n'a toujours pas été identifié.

Selon un sondage, 57% des Russes doutent que le commanditaire soit un jour retrouvé. Et comme le note Amnesty International dans un communiqué, depuis 2006, des défenseurs des droits de l'homme, des journalistes, des avocats spécialisés ont été agressés, violemment battus ou tués en Russie. La plupart de ces affaires n'ont pas été élucidées.

Partager :