Le Partenariat oriental au sommet de l’épreuve

Les plus hauts représentants des 27 pays de l’Union européenne et des 6 pays de l’Europe de l’Est qui participent au Partenariat oriental sont réunis aujourd’hui en sommet à Varsovie. Les responsables des principales institutions européennes participent aussi à la réunion. Ils discutent de l’avenir des relations de l’Union européenne avec l’Est du continent.

Le Partenariat oriental a été lancé en 2009, un an après l’Union pour la Méditerranée (UPM) et un peu à son image. Dans les deux cas, il s’agit d’une initiative régionale de l’Union européenne dans le cadre de sa politique de voisinage, qui vise à promouvoir une coopération plus étroite. On applique donc des mesures comme les préférences commerciales, les facilités de visa, ou les programmes d’aide. Les Vingt-Sept débloquent des centaines de millions d’euros afin de stabiliser politiquement et économiquement les zones de leur voisinage direct.

On ne se rend pas toujours compte que la création de l’Union pour la Méditerranée a été l’un des facteurs déclencheurs de démarrage du Partenariat oriental. Pour Marcin Zaborowski, directeur de l’Institut polonais des Affaires internationales (PISM), le Partenariat oriental était « une réponse à l’initiative du président Sarkozy » [en  Méditerranée, NDLR]. On a décidé que, face à cette initiative destinée juste à certains pays, on devait faire la même chose pour les pays de l’Est » Avant celle-ci, « on avait des politiques de voisinage pour tous les pays du Sud et de l’Est ».

Complémentarité ou concurrence 

Certes, l’Union pour la Méditerranée et le Partenariat oriental s’inscrivent tous les deux dans la politique européenne de voisinage, mais l’on s’interroge souvent des deux côtés s’ils sont vraiment complémentaires, ou plutôt mis en concurrence. Officiellement, il n’y a bien sûr aucune concurrence entre les deux initiatives. Toutefois, la crise au sein de l’Union européenne (UE) ainsi que les changements politiques dans le monde arabe, peuvent changer la donne. Notamment, face aux difficultés financières actuelles de l’UE, la tentation risque d’être forte d’oublier la stratégie à long terme et de verser l’argent plutôt d’un côté que de l’autre, en fonction de besoins courants et immédiats. C’est la principale crainte des soutiens du Partenariat oriental au sein de l’UE, c'est-à-dire, les Polonais, les Tchèques et les Suédois.

Monika Arcipowska, spécialiste de la politique européenne de voisinage au sein du PISM, remarque que « l’attention de l’Union européenne est actuellement tournée plus vers les révolutions arabes que vers les problèmes de l’Est ». Toutefois, à son avis, « les deux dimensions de la politique européenne de voisinage ne sont pas du tout contradictoires » car « elles sont fondées sur les valeurs communes de l’UE » et « l’Union applique les mêmes règles de coopération, qu’il s’agisse des voisins du Sud ou de ceux de l’Est ». À présent, la Commission européenne part du principe appelé « plus pour plus », ce qui veut dire que « chaque pays qui met en œuvre plus de réformes démocratiques, peut recevoir plus d’aide de l’Union européenne ».

Alternatives

Les exigences politiques (mais aussi économiques) de l’Union européenne sont donc très claires. Cependant, elles risquent de paraître un peu trop élevées au moins à une partie des pays intéressés. Ceux-ci peuvent aussi estimer que les procédures de rapprochement sont trop compliquées. Ou que l’Union européenne n’a pas vraiment de moyens pour les accueillir… Dans ce cas de figure, peuvent-ils trouver une solution alternative ? Un autre modèle à suivre ?

Bien sûr. Même plusieurs. C’est particulièrement vrai quand il s’agit du Partenariat oriental. Les pays membres – l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Biélorussie, la Géorgie, la Moldavie et l’Ukraine – aimeraient, pour la plupart, se rapprocher aussi étroitement que possible du monde occidental, qu’ils considèrent toujours simplement comme le plus stable et efficace, malgré tous ses défauts. En même temps, ils sont tous situés dans les zones stratégiques qui intéressent toutes les puissances, ne serait-ce qu’à cause de l’importance de ces territoires dans le domaine énergétique. En cas de vraies difficultés à rejoindre le monde occidental, ils n’auraient que l’embarras de choix des orientations alternatives.

« Les alternatives existent déjà », explique Antonella Valmorbida, directrice de l’Association des agences de la démocratie locale (ALDA) auprès du Conseil de l’Europe. D’abord, « il y a le versant russe, le grand-frère présent dans toute la région, avec lequel on a une relation d’amour et de haine ».

Ensuite, il y a « le versant turc ». Enfin et surtout, « le versant iranien, qui est très présent auprès de l’Azerbaïdjan et de l’Arménie, et avec qui tout le monde a de très bonnes relations ». La règle concerne « même l’Arménie, qui fait de son caractère catholique et chrétien l’une des principales caractéristiques de la culture du pays, mais elle maintient d’excellentes relations avec l’Iran ».

Ainsi, si le parcours vers l’Union européenne s’avérait particulièrement long et compliqué, il ne serait pas exclu que « les hommes politiques de ces pays tournent leurs regards vers d’autres contextes ».

On voit donc bien que la politique européenne de voisinage, avec sa dimension méridionale et sa dimension orientale, est en réalité un instrument d’un jeu géostratégique subtile, nuancé et complexe, dans les zones extrêmement sensibles. Est-ce que l’Union européenne aura suffisamment de moyens financiers et de volonté politique pour que l’usage de cet instrument soit efficace ? L’avenir le montrera.

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