Timochenko, opposante ukrainienne, risque la prison pour corruption

Deux semaines après le début du procès de Ioulia Timochenko, c'est la confusion à Kiev. Les audiences ont déjà été ajournées deux fois et l'égérie de la révolution orange a été exclue du tribunal le 6 juillet 2011 après avoir traité le juge de « monstre ». L'ancienne Premier ministre accuse le président Ianoukovitch d'organiser un procès « politique » afin de faire taire l'opposition ukrainienne.

De notre correspondant à Kiev,

Difficile de se frayer un chemin pour accéder à la minuscule salle d'audience du tribunal de Pechersky, dans le centre de Kiev. Caméras de télévision, policiers, partisans de Ioulia Timochenko, on se pousse, on ricane, on s'invective sous le regard désabusé du juge Rodion Kireyev, qui laisse parfois échapper de profonds soupirs.

L'ancienne Premier ministre, coiffée de ses traditionnelles nattes blondes, pose un regard de plomb sur l'assistance. Ioulia Timochenko se battra jusqu'au bout. L'égérie de la révolution orange de 2004, qui a dirigé l’Ukraine entre décembre 2007 et mars 2010, comparaît pour avoir autorisé, sans l’approbation du gouvernement, la signature de contrats d'importation de gaz russe à un prix trop élevé et donc très désavantageux pour son pays.

Des accusations que Ioulia Timochenko réfute depuis des mois, accusant directement le président Ianoukovtich de mener contre elle un procès « politique ». Déjà sous le coup de deux autres enquêtes, la « dame de fer » de la politique ukrainienne a appris cette semaine une mauvaise nouvelle de plus. Le SBU, les services secrets ukrainiens, s'intéressent de près à United Energy Systems of Ukraine, une société dirigée par Ioulia Timochenko dans les années 1990. Les policiers soupçonnent certains anciens employés d'avoir détourné plus de 280 millions d'euros des comptes de l'entreprise. Dans le même temps, Viktor Ianoukovitch réaffirme avec insistance que son gouvernement « lutte contre la corruption ».

« Ils veulent la mettre à terre »

Pour les partisans de Ioulia Timochenko, le message est limpide. « Ils veulent la mettre à terre, c'est une honte », clame Natalya, une retraité venue soutenir la principale opposante du pays devant le tribunal. A chaque audience, ils sont plusieurs centaines à se rassembler pour crier leur désapprobation d'une justice qu'ils considèrent comme pilotée par le pouvoir. A l'intérieur de la salle d'audience, mercredi 6 juillet 2011, ce sont les députés de l'opposition qui ont pris le relais. Un homme lance au juge : « J'ai été interné dans des camps à l'époque de l'URSS, pour propagande antisoviétique, […] mais je dois admettre qu'ils agissaient de façon cent fois plus correcte que vous ». Une provocation de trop. Le jeune magistrat, totalement dépassé, a ordonné à la police d'évacuer députés et journalistes dans la confusion générale.

Dans ce climat délétère, difficile de prévoir combien de temps durera le procès et quelle en sera l'issue. Ioulia Timochenko encourt jusqu'à dix ans de réclusion, mais selon certains experts, elle ne pourrait être condamnée qu'à une peine de prison avec sursis, une sanction cependant suffisante pour empêcher la principale figure de l'opposition de participer aux élections législatives de 2012.

Le commissaire européen à l'Elargissement et à la politique de voisinage, Stefan Fuele, a réaffirmé mercredi les inquiétudes des Européens quant à l'utilisation d'une « justice sélective » en Ukraine, alors que Kiev doit prochainement signer un accord d'association avec l'Union. En attendant, le procès de Ioulia Timochenko devrait se poursuivre dans les prochains jours.

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