De notre envoyée spéciale à Deauville, Mounia Daoudi.
C’est la présidence française qui a imposé à l'agenda de ce G8 cette question du soutien économique aux pays arabes en quête de démocratie. La Tunisie et l'Egypte sont ainsi les invités d'honneur de ce sommet de Deauville. Ces deux pays ont chiffré leurs besoins en financement à, respectivement, 25 milliards de dollars sur cinq ans et une douzaine de milliards jusqu’à la mi-2012.
Et si les grandes démocraties occidentales ont tardé à soutenir les soulèvements populaires dans ces deux pays, elles sont aujourd'hui déterminées à se rattraper puisqu'un partenariat économique de longue durée entre les pays du G8 et les pays arabes qui s'engagent dans la voie du changement doit être acté à Deauville. Un partenariat crucial pour ces pays pour l'économiste Alexandre Kateb, spécialiste des pays émergents et directeur de Compétence et Finance : « Les problèmes de ces deux pays sont structurels. Ils ne pourront pas être résolus du jour au lendemain. Néanmoins, ces fonds apportés par les leaders du G8 pourront leur permettre de payer leurs dettes et assumer leurs obligations vis-à-vis des investisseurs étrangers ».
Des besoins énormes en financement
Pour l'Egypte ou la Tunisie, l'aide de la communauté internationale est aujourd'hui vitale. La situation budgétaire de ces deux pays est catastrophique. En Egypte, l'économie tourne à 50% de sa capacité, les exportations ont chuté de 40% et le tourisme, secteur vital, est frappé de plein fouet avec un manque à gagner de plus de 2 milliards de dollars depuis janvier. En Tunisie, la situation est toute aussi critique, avec notamment un taux de chômage qui approche les 20% de la population active contre 13% l'année dernière.
Les Etats-Unis soutiennent fortement l’initiative du G8. Dès la semaine dernière, Barak Obama annonçait un plan d'aide de plusieurs milliards de dollars pour encourager la démocratisation. La Banque mondiale s'est dite également prête à débloquer jusqu'à 6 milliards de financements pour l'Egypte et la Tunisie. Quant à l'Union européenne, elle souhaite que la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), créée il y a 20 ans pour accompagner la transition des pays du bloc de l'Est se tourne désormais vers le sud de la Méditerranée. La BERD pourrait ainsi investir jusqu'à 3,5 milliards de dollars par an dans cette région.
Mise en garde de la Russie
Cet enthousiasme inquiète toutefois certaines ONG. « On entend énormément parler de développement sous formes d'investissements privés, explique Catherine Gaudard du CCFD-Terre solidaire. Mais ceux-ci contribueront au développement seulement s’ils obéissent à des règles. On attend que les multinationales issues des pays du G8 respectent des règles lorsqu’elles investissent dans les pays du Sud, qu’elles payent leurs impôts dans les pays où elles s’installent et qu’elles respectent les droits de l’homme ». Les ONG craignent également que les pays du G8, sous prétexte d'aider le monde arabe, reviennent sur leurs promesses envers l'Afrique subsaharienne.
Incontestablement, lorsqu'il s'agit de la Tunisie et de l'Egypte, il y a un consensus au G8 autour de ce partenariat économique pour soutenir la démocratisation dans les pays arabes. En revanche pour d'autres pays, comme la Libye, voire la Syrie, les réticences sont très vives du côté de Moscou. « Dans chaque pays arabe, les raisons de ces révolutions sont différentes, souligne ainsi l'ambassadeur russe à Paris, Alexandre Orlov. En Tunisie, c’est une révolution populaire contre la situation économique et contre la corruption. En Syrie et en Libye, la situation est différente. Il y a une tentative de certains de se débarrasser de leaders politiques ». Une position qui laisse présager des discussions tendues sur le conflit en Libye, un autre dossier important à l'agenda des dirigeants du G8 à Deauville.