« La crise est en recul sur tous les fronts », s'est félicité Vladimir Poutine, en annonçant que l’objectif de son gouvernement était de faire de la Russie d’ici à 2020 l’une des cinq principales économies du monde, avec un PIB par habitant de 35 000 dollars, un niveau supérieur à la France et l’Italie. « Le pays a besoin d'une décennie de développement constant et stable. Sans secousses, sans expériences irréfléchies basées sur un libéralisme injustifié et sans démagogie sociale », a-t-il déclaré, soulignant que la faiblesse de l'Etat et de l'économie seraient « une menace pour la souveraineté nationale ».
Une augmentation de salaire de 30% pour les enseignants
Le discours devant un public acquis aura permis à Vladimir Poutine d’annoncer une série de mesures sociales, comme par exemple une augmentation des salaires de 30% pour un million d’enseignants à partir du 1er septembre. Pour les agriculteurs, autre groupe d’électeurs important puisqu’il représente plus d’un quart de la population russe, le gouvernement prévoit un investissement de 40 milliards de roubles (un milliard d’euros) pour moderniser leur équipement.
Depuis que Vladimir Poutine est devenu Premier ministre en 2008, il s’agit de son troisième bilan annuel. Mais c’était surtout le dernier avant que la Russie ne s’engage dans une longue période électorale avec la présidentielle en perspective pour mars 2012 qui fait déjà l’objet de toute sorte de spéculations.
La question posée par de nombreux commentateurs russes est : « Qui des deux briguera la présidence en 2012, Vladimir Poutine ou Dmitri Medvedev ? » Depuis 2008, c’est en tandem que les deux hommes règnent sans partage sur la Russie avec ses 143 millions d’habitants. Après deux mandats consécutifs, Vladimir Poutine avait laissé son fauteuil présidentiel à son dauphin Medvedev pour devenir Premier ministre.
Aujourd’hui, l’ex-président songerait à un retour aux commandes du Kremlin. Mais il préfère laisser planer le doute sur les intentions du couple au pouvoir : « Ni moi, ni Dmitri Anatolevitch (Medvedev, ndlr) n’excluons que chacun d’entre nous puisse être candidat à l’élection. Nous tiendrons compte des réalités de la situation à l’approche du scrutin », a dit à la mi-avril l’homme fort de la Russie à la télévision russe. Aux dirigeants de son parti Russie unie, le Premier ministre a demandé de ne pas « s’exciter » sur ce scrutin de mars 2012, mais de se concentrer d’abord et avant tout sur les élections législatives.
Medvedev tente de sortir de l’ombre
Ces derniers mois, le président Medvedev, lui, a tenté à de multiples occasions de sortir de l’ombre. Il ne cache plus son envie de rester à son poste. L’actuel président s'impose avec de plus en plus d'audace face à Vladimir Poutine. Les derniers exemples en date : Dmitri Medvedev a obtenu le départ d’Igor Setchine, un proche de Poutine, de la présidence d’administration de Rosneft, la principale compagnie pétrolière russe. Mais le dossier sur lequel Dmitri Medvedev s'est - pour la première fois depuis dix ans - ouvertement opposé à Vladimir Poutine est celui de la Libye.
Le chef du gouvernement a comparé la résolution de l'ONU autorisant l'intervention militaire à un « appel moyenâgeux aux croisades », en jugeant que le président avait manqué de fermeté envers l'Occident. Le jour même, Dmitri Medvedev a brisé un tabou en critiquant son Premier ministre, qualifiant le terme de « croisade » d’inacceptable.
Mais malgré ces désaccords apparents, le couple au pouvoir reste soudé, si l’on en croit l’analyse de nombreux observateurs. Jean Radvanyi, directeur du centre franco-russe des sciences humaines et sociales à Moscou, estime qu'il s'agit d'un jeu politique plus que d'un vrai bras de fer entre les deux hommes : « La rivalité se manifeste plus dans les commentaires de la presse que dans la réalité ».
Les Russes ne sont pas dupes et ne croient pas que les deux hommes se feront concurrence lors de la présidentielle, comme le montre un sondage de l’institut indépendant Levada : 60% des électeurs ont conscience que le choix leur sera imposé par le pouvoir lui-même.