La communauté internationale au chevet de Tchernobyl

À quelques jours du vingt-cinquième anniversaire de la catastrophe de Tchernobyl, la conférence des donateurs, réunie le 19 avril 2011 à Kiev, a permis de réunir 550 millions d’euros pour construire le nouveau sarcophage qui va recouvrir la centrale accidentée. Le gouvernement ukrainien espérait 740 millions.

De notre correspondant à Kiev,

La sinistre cheminée de la centrale de Tchernobyl se dresse toujours au-dessus de la forêt ukrainienne. Le dernier réacteur a définitivement été arrêté en 2000 mais plusieurs milliers d'ouvriers et d'ingénieurs travaillent toujours sur le site contaminé pour surveiller le monstre endormi et construire une nouvelle enceinte de confinement qui devrait protéger l'Europe d'une nouvelle catastrophe.

Sergueï Deryuha, ingénieur à la centrale, observe l'enceinte de confinement du réacteur détruit. « Le poids du toit est devenu trop important pour les fondations, nous avons été obligés de stabiliser l'édifice », concède-t-il. Le long du sarcophage montent des échafaudages métalliques censés assurer la stabilité de la chape de béton, même en cas de tremblement de terre de magnitude 6 sur l'échelle de Richter. Mais que se passera-t-il si un séisme plus important se produit ? « Personne n'avait prévu non plus ce cas de figure à Fukushima ». Un aveu d'impuissance qui sonne comme un cri d'alarme, alors que, selon certains spécialistes de Kiev, cinq tremblements de terre d'importance se produisent tous les siècles dans cette région. Le dernier, d'une magnitude de 5 sur l'échelle de Richter, remonte à 1990, il y a tout juste 20 ans.

Le sarcophage de Tchernobyl, construit en urgence en 1986 grâce au sacrifice de centaines de milliers d'ouvriers et de militaires soviétiques, était à l'origine prévu pour durer 25 ans. Il montre aujourd'hui d'inquiétants signes de faiblesse. « La structure est percée de trous qui laissent passer les radiations et dans lesquels s'infiltrent l'eau de pluie », continue Sergueï Deryuha. Des ouvertures qui représenteraient plus de 1000 m2 selon Nikolay Karpan, un ancien liquidateur devenu expert du sarcophage. Toutefois, les organisations écologistes avancent une estimation plus « mesurée » d'une centaine de mètres carrés de trous. « Chaque année, plus de 2,5 tonnes d'eau rentrent dans le réacteur », affirme Nikolay Karpan, « l'eau se mélange aux poussières radioactives et pénètre dans les sols, sans qu'aucune décontamination ne soit possible ». À la centrale, on reconnaît « avoir des difficultés pour traiter cette eau » mais on assure que ces problèmes seront bientôt résolus avec la construction de la nouvelle enceinte de confinement.
 

Seul problème, le chantier, entamé fin 2010 par les entreprises françaises Bouygues et Vinci, réunies au sein du consortium Novarka, a accumulé beaucoup de retard et la nouvelle structure de protection, prévue pour avoir une durée de vie d'une centaine d'années, sera mise en place au plus tôt en 2015. Pour l'heure, les ouvriers qui s'activent sur le site sont en train de construire les fondations de la zone de montage. Un travail délicat qui nécessite de creuser le sol contaminé et d'extraire des déchets hautement radioactifs. Pour éviter aux travailleurs d'être exposés à des radiations trop importantes, l'immense arche de 20 000 tonnes, grande comme deux terrains de football et plus haute que la statut de la Liberté, sera assemblée à côté du réacteur numéro 4 puis glissé au-dessus de la centrale. Un chantier titanesque dont les coûts n'ont cessé de grimper, et qui sont aujourd'hui estimés à 1, 5 milliards d'euros.

L’effet Fukushima a joué mais la crise économique aussi

Cette somme sera garantie par un prêt de la Berd (Banque européenne pour la reconstruction et le développement), mais les organisateurs de la Conférence des donateurs espéraient lever 740 millions d’aides exceptionnelles. La Commission européenne, qui a déjà débloqué 470 millions d’euros pour sécuriser le site, a promis 110 millions supplémentaires, la France 47. L’élan de solidarité, ravivé par l’émotion de la catastrophe récente de Fukushima, n’a permis, toutefois, que de rassembler 550 millions d’euros.

« Nous avons su nous montrer à peu près à la hauteur de l'enjeu », a néanmoins assuré, à l'issue de la conférence, François Fillon qui coprésidait la réunion en tant que représentant du pays qui dirige actuellement le G20. Le Premier ministre français a expliqué que « la crise mondiale avait laissé des traces dans toutes les économies ». Selon lui, les participants « peuvent être fiers de l'engagement collectif ». « C'est un résultat qui illustre le sens des responsabilités de l'ensemble de la communauté internationale », a poursuivi le Premier ministre français, qui participait à la conférence, en même temps que les représentants de plusieurs dizaines d’États et d’organisations internationales, dont le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso.

Pour sa part, le gouvernement ukrainien versera 29 millions d’euros et le président Ianoukovitch a salué le résultat « exceptionnel » atteint par cette conférence. Les sommes levées risquent pourtant de ne pas être suffisantes pour achever un chantier qui conditionne la sécurité de toute l’Europe.

« Personne n'avait pensé que la décontamination de l'intérieur de la centrale coûterait aussi cher », peste Nikolay Karpan. « Outre la poussière et l'eau contaminées, se trouvent aussi des gravats radioactifs qui n'ont jamais été dégagés depuis l'accident ». Les nouveaux bâtiments de stockage, censés accueillir les combustibles usagés, se sont révélés inutilisables en raison de défauts de conception. « Une fois le nouveau sarcophage mis en place, nous aurons du temps pour penser à la suite et nous pourrons nettoyer les structures polluées », relativise Sergueï Deryuha. De toute façon, la « zone interdite » sera encore contaminée durant des centaines d'années. Le gouvernement ukrainien devra, quant à lui, trouver encore chaque année plus de 100 millions d'euros pour entretenir la nouvelle enceinte de confinement.  

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