La centrale de Fessenheim date la même époque que celle de Fukushima : elle a été mise en service en 1977. Outre son âge, c'est aussi sa conception qui est remise en cause : la piscine de désactivation se trouve à l'extérieur du bâtiment des réacteurs. Mais aussi, cette centrale est érigée dans une zone géographique à risque.
« Il existe notamment un risque sismique parce que la centrale se trouve sur une plaque tectonique de la plaine d’Alsace, explique Claude Ledergerber, membre du Comité pour la sauvegarde de Fessenheim et de la plaine du Rhin. D’un autre côté, nous avons une installation qui est sous le niveau du canal du Rhin, c'est-à-dire qu’il y a un risque d’inondation. Suite à un séisme, il pourrait y avoir une rupture de la digue ou même en raison d’un acte malveillant. Nous avons de plus fait ce constat : cette centrale compte le double d’incidents par rapport à la moyenne des centrales françaises. On ne peut pas raisonner avec un événement seulement. Il faut raisonner avec plusieurs événements qui peuvent arriver d’une façon cumulée. »
Le bon fonctionnement des centrales nucléaires en France est surveillé par l'Autorité de sûreté nucléaire. Dans son dernier rapport publié le 30 mars 2011, cet organisme de surveillance considère que les performances de la centrale alsacienne en matière de sûreté sont suffisantes.
Des révisions décennales en cours
En outre, l'année dernière, le réacteur n°1 a été soumis au contrôle décennal, c'est-à-dire à une inspection plus approfondie. La visite décennale du réacteur n°2 commence ce lundi et devrait se poursuivre pendant plusieurs mois.
« C’est une centrale dont la conception est, sur beaucoup de points, similaire à celle des autres centrales d’EDF, précise Olivier Gupta, le directeur général adjoint de l'ASN. La centrale vient de subir récemment sa troisième visite décennale, c'est-à-dire qu’elle a été faite, lors d’un arrêt qui a duré plusieurs mois, un ensemble de contrôles et de vérifications. Après la publication du rapport sur cette visite décennale qui est attendue dans les prochains mois, l’ASN pourrait alors prendre position. Les éléments dont nous disposons aujourd’hui ne nous conduisent pas à prendre les mesures d’arrêt immédiat. Et au-delà, il faudrait regarder comment la centrale de Fessenheim se comporte dans les situations envisagées dans le cadre des audits et des stress-tests qui vont être appliqués à l’ensemble des centrales européennes. »
Après la catastrophe qui a frappé le Japon et la centrale de Fukushima, les autorités françaises et européennes ont demandé que les installations en France et en Europe soient soumises aux tests concernant la sécurité. Lors des audits, les experts doivent envisager les situations bien au-delà des scénarios pessimistes pris en compte lors de la conception des centrales.
« Il s’agit d’envisager le comportement des centrales en cas d’un séisme ou d’inondation importante ou bien la combinaison des deux, confirme Olivier Gupta. Il faut aussi envisager une inondation suite aux intempéries ainsi qu’une défaillance des fonctions de sûreté à la suite de ces événements. D’autres incidents majeurs seront également pris en compte comme la perte de l’alimentation électrique, perte de refroidissement par le fleuve ou par la mer, puis la combinaison des deux à la fois. Dans chacun de ces scénarios, l’idée est de regarder au-delà de ce qui a été pris en compte pour la conception des centrales, ces règles étant déjà très sévères. »
Une mobilisation pour son arrêt immédiat
Malgré tout, les riverains, les associations anti-nucléaires et nos voisins européens, l'Allemagne et la Suisse, demandent la fermeture immédiate de Fessenheim quels que soient les résultats des expertises en cours. Mais fermer une centrale nucléaire n'est pas une opération aisée. Conscientes des difficultés à tous les niveaux, les associations proposent la reconversion des installations de Fessenheim.
« Même si on l’arrêtait demain matin, c’est une centrale qui existera au minimum quinze, vingt ou même vingt-cinq ans, explique Claude Ledergerber. Alors nous essayons de dire qu’il faut transformer cette installation en laboratoire de recherche sur le démantèlement des centrales nucléaires. Ce genre de laboratoire n’existe pas en France. Donc, pour ne pas pénaliser une région au niveau de l’emploi, au niveau économique ou autre, ce symbole que représente finalement Fessenheim, on peut aussi le transformer en symbole pour entamer la sortie du nucléaire d’une façon intelligente. »
Les premières demandes administratives pour sceller le sort de Fessenheim se concrétisent. Le conseil général du Haut-Rhin a demandé, en fin de la semaine dernière, à l'ASN d'attendre le résultat de l'audit national avant d'autoriser ou non la poursuite de l'exploitation de la centrale. Les autorités locales souhaitent également la création d'une commission avec les pays frontaliers. Mais c'est le gouvernement français qui aura le dernier mot.