Tout a commencé dans une cuisine, celle de la réalisatrice Francesca Comencini, lors d’une réunion avec une petite association de femmes, Di Nuovo, il y a un peu plus de deux mois. C'était au moment où les affaires de mœurs qui rythment la vie de Silvio Berlusconi depuis 2009, et par conséquent la vie du pays, ont pris une tournure encore plus inquiétante.
Ce tournant c’est le fameux «Rubygate», affaire dans laquelle le président du Conseil est soupçonné par les juges du parquet de Milan d’abus de fonction et de recours à la prostitution de mineure. Comment redonner leur dignité aux femmes et changer le pays, en particulier les politiques sociales, pour permettre aux Italiennes de ne plus subir de discriminations, de concilier leur rôle de femme, de mère et de travailleuse ? En sortant du silence pour dire haut et fort Basta !
Au fil des jours, d’autres associations ont rejoint Di Nuovo et plus de 50 000 femmes ont signé un appel à la mobilisation. Parmi elles l’actrice Margherita Buy, l’architecte Gae Aulenti, l’avocate et députée du mouvement de droite «Futur et Liberté» Giulia Bongiorno, la vice-présidente de la chambre des Députés Rosy Bini, membre du Parti démocrate. Et même une religieuse, Suor Eugenia Bonetti, missionnaire en Afrique pendant 24 ans. Son intervention, place du Peuple, a été très applaudie : «la prostitution du corps des femmes est devenue une partie intégrante de notre vie quotidienne. Nous ne pouvons pas rester indifférents à cette mentalité, nous en sommes tous responsables».
Des ralliements qui montrent qu'un mouvement est en marche
Se non ora quando (maintenant ou jamais), rassemble bien au-delà des sensibilités féministes. D’ailleurs le mouvement est aussi soutenu par des hommes, dont le Prix Nobel Dario Fo. Il y avait de nombreux hommes présents, à Rome, aux côtés des femmes, sur la place du Peuple, sur la terrasse qui la surplombe et dans les rues adjacentes, bondées de monde et très colorées avec des centaines de banderoles sur lesquelles on pouvait lire : «Nous voulons un pays qui respecte toutes les femmes», «Silvio va t-en !», ou encore «Indignés !».
«Il y a un besoin urgent de changements profonds sur les plans politique, social et culturel, affirme l’ex-ministre de la Santé, Maria Pia Garavaglia. J’ai vu, ce dimanche, des étudiantes , des mères de famille, des grand-mères, des grand-pères, des hommes jeunes, en mesure de faire cheminer leur pays vers la maturité. L’Italie n’est pas seulement le pays des «papigirls» et du berlusconisme. C’est un pays avec des millions de personnes capables de remettre au centre des préoccupations la question morale».
Selon la philosophe Roberta de Monticelli, la question morale réside avant tout dans «l’incapacité des Italiens de passer de la condition de sujet à celle de citoyen». Et d’ajouter : «un très grand nombre accepte de vivre encore dans un Etat où le rapport entre gouvernants et gouvernés passe à travers une conception 'clientéliste' du bien commun, où les mots 'piston' et 'services' sont les mots-clef de toute possibilité de succès social, de carrière, notamment politique».
Aucun commentaire de Silvio Berlusconi sur ces manifestations, mais la ministre de l’Instruction, Maria Stella Gelmini n’a pas manqué de fustiger «ce petit groupe chic et snob de femmes qui manifestent à des fins politiques et pour instrumentaliser les femmes» .