L’économie allemande garde le vent en poupe

Les deux dernières années auront été d’un contraste saisissant : après une récession historique jamais vue depuis la guerre en 2009, l’Allemagne a engrangé une croissance record de 3,7% l’an dernier. Le rattrapage va certes se ralentir mais les perspectives restent plutôt roses.

Angela Merkel pouvait dans ses voeux il y a quelques jours savourer la justesse de ses déclarations en affirmant : « L’Allemagne sort renforcée de la crise ». Parmi les pays industrialisés, le pays est sans conteste celui qui a le mieux tiré son épingle du jeu.
Le choc avait pourtant été rude avait un recul de près de 5% du produit intérieur brut en 2009. L’Allemagne, nation exportatrice par excellence, était touchée de plein fouet par le recul des commandes sur les marchés mondiaux, plus que des pays comme la France où la consommation intérieure joue un rôle plus important.

Mais l’Allemagne a pu rebondir plus vite que les autres. Avec une croissance de 3,7% pour 2010, le pays enregistre un record jamais vu depuis la réunification du pays il y a vingt ans. Le gouvernement comme les instituts de conjoncture ont dû revoir leurs pronostics à la hausse à plusieurs reprises l’an dernier.

Cette croissance qui est dans une large mesure un rattrapage n’a pas provoqué de dégâts durables pour le tissu éconmique. Les entreprises ont subi le choc mais ont tenu bon. Le meilleur indicateur en est la bonne tenue de l’emploi avec un chômage inférieur à ce qu’il était avant la crise (7,2% fin décembre). Les entreprises grâce à une grande flexibilité ont recouru massivement au chômage partiel au lieu de licencier lorsque les carnets de commande se sont vidés. Lorsqu’ils se sont à nouveau remplis, leurs salariés étaient à pied d’oeuvre. D’après l’office des statistiques, le nombre de personnes disposant d’un emploi stable n’a jamais été aussi important en Allemagne fin 2010.

Un sondage réalisé par le quotidien Bild Zeitung de ce mardi 4 janvier auprès de diverses branches industrielles et d’experts table sur la création de 360 000 emplois cette année.
Le pays a aussi encaissé les dividendes des réformes menées durant la dernière décennie. Les finances publiques étaient à peu près assainies avant la crise, les réformes sociales de l’ère Schröder ont assoupli le marché de l’emploi, les entreprises ont redressé leur compétitivité grâce à des hausses de salaires beaucoup plus modérées qu’ailleurs. L’Allemagne a aussi évité les erreurs commises dans d’autres pays avec une bulle spéculative dans l’immobilier ou un secteur financier à la croissance incontrôlée.

« Années grasses »

Cet assainissement sur la durée explique également que les perspectives pour l’économie allemande restent optimistes. Après le rattrapage massif de l’an dernier, les instituts de conjoncture tablent pour cette année sur une croissance plus « normale » entre 2 et 2,5% en 2010 ; certains pronostiquent plus de 3%.

La croissance sera plus élevée que dans d’autres pays. Elle reste traditionnellement fondée sur les exportations qui après une hausse de 10% en 2010 devraient croître de 6% en 2011. Mais la consommation confirme sa bonne tenue. Cela s’explique par des hausses de salaires plus importantes que dans le passé (en moyenne 2,5% cette année). L’optimisme des Allemands les poussent également à ne pas épargner outre-mesure. Et ce malgré une ponction à travers les prélèvements sociaux avec une hausse au premier janvier des cotisations maladie et chômage, sans oublier des taxes supplémentaires pour les fumeurs et les voyageurs aériens.

Cette évolution a aussi des effets positifs sur les finances publiques. Les dépenses sociales diminuent en raison de la baisse continue du chômage tandis que les recettes fiscales augmentent. L’instiut DIW de Berlin table sur un déficit pour 2011 de 2,4% des budgets publics ce qui permet à l’Allemagne de respecter à nouveau les critères européens. Il en allait autrement en 2010 avec un déficit de 3,5% mais à l’arrivée le ministre des Finances avait pu se frotter les mains en voyant son impasse budgétaire passer de 80 à 50 milliards d’euros.

Ces perspectives conduisent certains conjoncturistes à un optimisme résolu. L’institut Kiel Economics, le plus positif pour cette année, voit le chômage à 5% en 2015 ce qui équivaudrait au plein emploi ; il évoque des caisses publiques fortes d’un solide excédent. Les experts de Kiel parlent d’« années grasses » pour qualifier l’évolution de l’économie allemande à moyen terme.

D’autres sont plus réservés. Ils soulignent les risques menaçants : le ralentissement possible de la conjoncture mondiale et ses contrecoups pour les exportations allemandes, les conséquences pour l’Allemagne des plans d’économies drastiques adoptés par certains Etats européens et les menaces toujours existantes autour de l’euro.
 

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