Si Scotland Yard a arrêté Julian Assange, ce n’est pas à cause de la tempête diplomatique qu’il a déclenché avec le « cablegate », c'est-à-dire avec la publication de plus de 250 000 télégrammes du département américain d’Etat. L’affaire pour laquelle la Suède avait émis un mandat d’arrêt international est toute autre : deux femmes l’accusent de « viol, d’agression sexuelle et de coercition », des faits survenus, selon elles, en août dernier. L’intéressé a toujours nié ces allégations. La Suède réclame son extradition pour pouvoir l’entendre à ce sujet.
L’arrestation intervient à un moment où l’ancien pirate informatique se trouve de plus en plus dans la ligne de mire de ses adversaires. Des menaces de poursuites juridiques aux Etats-Unis, en passant par de nombreuses cyber-attaques contre son site WikiLeaks jusqu’au compte fermé en Suisse, les ennuis de celui qui fait trembler les diplomates américains se multiplient.
Assange devenu ennemi public numéro 1
Pas étonnant que l’arrestation de cet Australien devenu l’ennemi public numéro 1 réjouisse le chef du Pentagone, mis dans l’embarras par le « cablegate » ces derniers jours. « Cela me semble une bonne nouvelle », a déclaré le secrétaire américain à la Défense, Robert Gates, au cours d’une visite surprise en Afghanistan. Depuis la mise en ligne de milliers d’informations secrètes sur la diplomatie américaine, Washington cherche en effet à coincer Julian Assange, sans pour autant avoir trouvé à ce jour un chef d’inculpation recevable.
Mais pendant que les Américains cherchent encore le biais légal pour attaquer leur meilleur ennemi, l’offensive tous azimuts contre celui qui se présente comme le prophète de la transparence absolue a déjà commencé par d’autres voies. Postfinance, la banque de Julian Assange en Suisse, a annoncé avoir fermé le compte à son nom, en raison « de fausses indications sur son lieu de domicile ». Cette décision risque de tarir les ressources financières du site de révélations de documents secrets, puisque c’est ce même compte qui figurait sur WikiLeaks pour recevoir les dons destinés à soutenir le travail de Julian Assange et de son équipe.
Pour ne rien arranger, la société Mastercard International aurait bloqué les virements adressés à WikiLeaks. Selon un porte-parole, cité par le site d’informations sur les nouvelles technologies CNET, « le règlement de Mastercard interdit aux clients de s’engager ou faciliter, directement ou indirectement, toute action illégale ».
WikiLeaks forcé à la transhumance virtuelle
L’étau se resserre également du côté de l’hébergement du site WikiLeaks. Depuis une semaine, le site est forcé de nomadiser à travers le monde. A chaque fois qu'un fournisseur met fin à l'hébergement de WikiLeaks, le site doit trouver une autre adresse. D’abord expulsé du serveur américain Amazon, WikiLeaks avait trouvé refuge chez la société française OVH. Mais depuis, la France a lancé une procédure pour chasser le site de son territoire. Même si entretemps WikiLeaks a réussi à ouvrir trois nouvelles adresses internet, aux Pays-Bas, en Allemagne et en Finlande, la transhumance virtuelle continue.
Il est de plus en plus laborieux pour les internautes d’avoir accès au site. D’autant plus qu’il est régulièrement la cible de puissantes cyber-attaques. L'un des hébergeurs de WikiLeaks a dû déclarer forfait. Pour saturer et faire taire le site, des centaines de requêtes par seconde avaient été envoyé par des millions d'ordinateurs, ce qui risquait de mettre à genoux l’hébergeur.
L’équipe WikiLeaks loin de jeter l’éponge
Pour l’heure, WikiLeaks renaît à chaque fois grâce à un nouveau domaine : ni les menaces de poursuites, ni les interdictions bancaires ou les fermetures de domaines, ni même les cyber-attaques semblent faire plier l’équipe WikiLeaks. Loin de jeter l’éponge, les collaborateurs de Julian Assange ont posté ce message sur le compte Twitter de WikiLeaks : « Les actions menées contre notre rédacteur en chef Julian Assange n’affecteront pas notre travail. Nous publierons cette nuit d’autres télégrammes comme d’habitude ».
Julian Assange, qui se dit menacé de mort et craint avant tout son extradition vers les Etats-Unis, avait prévenu : « Si quelque chose nous arrive, les documents clés seront publiés ». Selon lui, ces documents ont été répartis sous leur forme cryptée entre plus de 100 000 personnes. L’espoir des Américains d’en finir avec les publications néfastes semble donc vain.