Un calme d'autant plus surprenant que, pour combler le déficit public britannique, un des plus élevé en Europe puisqu'il représente plus de 11% du produit intérieur brut, le gouvernement britannique a en effet lancé mercredi 20 octobre un plan d’austérité qui va bien plus loin que la politique de privatisation de Margareth Thatcher. Il s’attaque aux aides sociales comme l’explique Jacques Reland, directeur des recherches européennes au Global Policy Institute de Londres : « C’est quelque chose de nouveau, une nouvelle étape. Ce gouvernement essaye de réduire la dépendance des Britanniques à l’Etat-providence, peut être même d’abolir le contrat social basé autour de cet Etat-providence qui était en place depuis l’après-guerre ».
Cette vague d’austérité qui s’abat sur la Grande-Bretagne, sans susciter beaucoup de réactions de la part de la population, peut surprendre surtout en France. Il semble qu’entre la France et la Grande-Bretagne, il y ait un monde, comme le constate Ben Page, le directeur de l’institut de sondage IPSOS en Grande-Bretagne.
« Ce qui est intéressant, c'est de comparer la situation en France et la situation en Grande- Bretagne. En Grande-Bretagne, nous venons d’annoncer les coupes budgétaires les plus sévères qu'on ait connues dans ce pays et l'âge de la retraite passe à 66 ans pas 62 ans ! Et la plupart des gens sont d'accord ! 60% d’entre eux considèrent qu’en finir avec les déficits publics est très important. Ils restent divisés sur le fait de savoir quelles coupes sont nécessaires ou non. Par exemple beaucoup d'entre eux voudraient aussi couper l'aide aux pays en développement mais au-delà de cela ils sont vraiment flegmatiques ! ».
Un plan présenté comme un sacrifice essentiel pour sauver l'économie
D’autres constatent un regain d’intérêt des Britanniques pour le syndicalisme même si les mouvements de protestation n’ont pas encore réussi à se faire entendre. Pour Caroline Chapain, chercheuse en sciences sociales et spécialiste des politiques publiques à l’université de Birmingham, dans une région fortement touchée par le chômage, ce plan suscite beaucoup d’inquiétude : « Ce sont des choix politiques et c’est clairement le cas quand on regarde l’étendue des coupes qu’ils mettent en place notamment avec l’abolition d’un très grand nombre d’organismes parapublics mais aussi des restrictions sur les mesures de soutien social. On peut donc se demander quel va être l’impact de ce plan d’austérité. Leur argument est que cela va relancer l’économie mais il y a beaucoup d’inquiétudes. Il est très difficile de voir comment le secteur privé va pouvoir compenser toutes ces mesures d’austérité ».
Le plan a été présenté comme un sacrifice essentiel pour sauver l’économie britannique. D'autre part, les libéraux démocrates et les conservateurs au pouvoir ont mis l’accent sur le fait que ce plan est juste et qu’il touche toute la population, les riches comme les pauvres mais désormais cet argument est contesté. The Institute for Fiscal Studies, un institut réputé pour son sérieux, a tenté de calculer ce que ce plan d’austérité allait représenter pour la population. Verdict : ceux qui vont souffrir le plus sont les plus fragiles : les familles monoparentales c'est-à-dire essentiellement des femmes et des enfants. Les 10% des ménages les plus pauvres vont perdre 11% de leurs revenus alors que les 10% les plus riches ne perdront que 4,5% de leurs revenus.
Les Britanniques sont-ils résignés ? Leur célèbre flegme résistera-t-il à la mise en œuvre de ce plan ? Tout dépend de son succès. S'il ne réussit pas à relancer la croissance, c'est peu probable ! Les syndicats bridés sous l’ère Thatcher et réduits au silence sous les travaillistes peinent, aujourd'hui, à mobiliser. Mais ils attendent, comme l'opposition travailliste, que les effets de ces mesures choc se fassent sentir pour que la population se mobilise et ils sont patients puisqu'ils appellent à manifester le 26 mars 2011.