L’attaque des rebelles tchétchènes contre le Parlement de Grozny n’avait guère de chances de réussite. En tout cas, les rebelles ne pouvaient pas espérer prendre sous contrôle le bâtiment. Les assaillants étaient peu nombreux, quatre seulement, et ont été vite neutralisés. Mais ils ont eu le temps de faire exploser les charges qu’ils portaient sur eux, en criant « Allah est grand ! ». Hormis les quatre rebelles, quatre autres personnes ont été tuées.
Dans une ville sous haute surveillance, l’attaque avait surtout une valeur symbolique. Elle a été menée en plein centre de la capitale, au nez et à la barbe du président Ramzan Kadyrov. D’autre part, à Grozny se trouvait le ministre russe de l’Intérieur Rachid Nourgaliev. Les rebelles ont montré qu’ils ont encore une capacité de nuisance, malgré les déclarations de victoire de Moscou et des autorités tchéchènes pro-russes.
La rébellion est devenue radicale et islamiste
Toute la région du Caucase du Nord reste sous la menace de la rébellion, qui a amorcé un virage islamiste radical depuis plusieurs années. Doku Oumarov, autoproclamé en 2007 « émir du Caucase », revendique la plupart des attaques. Parmi les plus meurtrières : l’attentat suicide qui a fait 17 morts en septembre 2010 à Vladikavkaz, la capitale de l’Ossétie du Nord. Peu de temps avant, une autre attaque suicide avait tué quatre soldats russes et blessé 35 autres au Daguestan.
On se rappelle aussi de l’attaque du mois d’août, dans le village natal du président Kadyrov, où 14 personnes ont laissé leur vie. C’était une action aussi audacieuse que celle qui a frappé Grozny ce jour. En mars dernier, deux attentats commis par des femmes de combattants tchétchènes dans le métro de Moscou avaient fait une quarantaine de morts.
Ramzan Kadyrov est accusé d’utiliser des méthodes terroristes
La flambée de violence qui perdure, non seulement en Tchétchénie mais dans tout le Caucase du Nord, peut s’expliquer par la situation économique et sociale difficile. Le Kremlin a annoncé ces dernières années des mesures pour faire diminuer le chômage et offrir aux jeunes Caucasiens d’autres perspectives que celle de rejoindre la rébellion. « Mais cette politique a échoué », observe Alexeï Vantchenko, un expert du Caucase cité par AFP. « Le problème est trop profond, les vingt dernières années la situation a échappé à tout contrôle et la région est totalement déstabilisée », insiste-t-il.
Les organisations de défense des droits de l’homme soulignent également la responsabilité du président tchétchène Kadyrov. Représentante de la FIDH (Fédération internationale des droits de l’homme), Sacha Koulaeva accuse l’homme fort de Grozny de pratiquer des méthodes terroristes à l’encontre de ses opposants, ce qui radicalise davantage encore la résistance tchétchène. Invitée de la mi-journée à RFI, elle n’hésite pas à dire que « les jeunes préfèrent partir dans la résistance, plutôt que d’attendre passivement l’enlèvement ou la mort qu’ils risquent en restant chez eux ».