Belgique : Division à la carte

A la une du grand quotidien francophone belge Le Soir, « Les cartes flamandes qui nient la Belgique ». En pleines négociations sur la constitution d’un gouvernement et sur la future forme des institutions fédérales et régionales, la Belgique découvre une nouvelle affaire d’une carte présentant la Flandre comme un Etat à part…

« Suite à un nombre de visites sans précédent, le site éprouve des difficultés. Il va être remis en marche bientôt ». Quel est donc ce site inaccessible depuis la matinée du mercredi 18 août parce que littéralement envahi par les internautes ? Contient-il une offre d’achat particulièrement alléchante ? Des informations croustillantes sur la vie privée d’un homme politique connu ? Des photos dénudées d’une star mondiale ? Des documents secrets de la CIA ?

Détrompez-vous. Il s’agit d’un simple portail internet, géré par l’Office flamand de tourisme et dédié au tourisme régional, http://visitflanders.co.uk. Cependant, il a réussi à faire sensation en publiant une carte qui a très désagréablement surpris beaucoup de Belges. C’est bien cette carte que tout le monde veut voir de ses propres yeux. Il faut reconnaître qu’il s’agit d’un document particulièrement non-conformiste.

La Belgique = la Wallonie ?

Les touristes britanniques, mais aussi américains, chinois, espagnols et japonais, apprennent grâce à une carte détaillée concoctée par l’Office que la Belgique est en réalité un micro-Etat qui – contrairement aux apparences trompeuses imposées aux touristes par leurs écoles et leurs médias nationaux respectifs – non seulement n’a pas Bruxelles pour capitale, mais ne la contient même pas. Selon la carte, Bruxelles est pour les Belges une ville étrangère, située au nord de la frontière de leur Etat, dans un autre pays dénommé « Flandre », limitrophe également à la France et aux Pays-Bas. Contrairement à la Belgique, la Flandre dispose d’un accès à la mer. Celui-ci porte fièrement le nom de la « Côte flamande ».

Il faut quand même dire que les tendances anti-belges en Flandre se sont un peu atténuées depuis le mois d’avril, quand un autre site publiait une carte où la Belgique n’existait simplement plus du tout, la Flandre étant incorporée dans les Pays-Bas, et le reste du pays (mais, quand même, avec Bruxelles) faisant partie de la France. Sur la carte de l’Office flamand de tourisme, la Belgique est, certes, limitée à la région de Wallonie, sans Bruxelles, mais au moins elle existe toujours.

Contexte politique

Sur le plan du contexte politique, le moment de cette publication ne pouvait pas être moins bien choisi. En effet, les interminables négociations sur la constitution d’un gouvernement fédéral, conditionnées elles-mêmes par un hypothétique, et toujours introuvable, rapprochement des positions sur la réforme de l’Etat belge, confirment l’impression que la Belgique est aujourd’hui un pays ingérable, même si, du moins pour l’instant, elle assure tout à fait correctement la présidence de l’Union européenne grâce à un gouvernement intérimaire.

Rendre l’Etat fédéral ingérable était toujours l’objectif des séparatistes flamands, en particulier du parti N-VA, qui, à la faveur de dernières élections législatives, était devenue la plus grande formation politique de la Flandre. Son leader, Bart De Wever, bloque tranquillement tout progrès dans les négociations, en formulant constamment de nouvelles revendications. Les dernières en date concernent une réforme profonde de la loi de financement qui régit les rapports financiers entre l’Etat fédéral et les entités fédérées.

La démocratie et les étapes

Toutefois, De Wever annonce depuis toujours son intention d’agir par étapes. Selon ses propres affirmations, il est un démocrate, pas un révolutionnaire. Si la carte publiée par l’Office flamand de tourisme choque l’opinion publique, aussi bien en Belgique qu’à l’étranger, c’est parce qu’elle montre brutalement une issue possible de la dernière des étapes imaginées par Bart De Wever et ses partisans. Et en même temps, elle confirme aussi brutalement que la démocratie n’est pas forcément bonne en soi ; qu’elle peut aussi bien apporter beaucoup de compréhension, de coopération, d’unité, d’amitié et de bien-être, que de divisions, d’égoïsmes, voire de haines. Tout dépend de la manière dont on la manie et dont on l’utilise.

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