De notre correspondante à La Haye, Stéphanie Maupas
L’avis rendu par les juges de la Cour internationale de justice (CIJ), jeudi 22 juillet, signe une victoire pour Pristina. Une victoire assez inhabituelle. Cette Cour, établie par les Nations unies, ménage en général les deux parties en conflit. « Aujourd’hui, c’est 4-0 contre la Serbie », commentait avec ironie un visiteur venu écouter la décision.
Les juges n’ont pas répondu aux questions soulevées par Belgrade lors des débats entendus en décembre, auxquels avaient participé 29 Etats, en plus de la Serbie et du Kosovo. Ils sont restés dans les limites strictes de la question posée pour avis par l’Assemblée générale des Nations unies, celle de savoir si cette déclaration était illégale. Ainsi, ils ne disent pas si le Kosovo peut-être considéré comme un Etat et si sa reconnaissance, par 69 Etats aujourd’hui, est légale. Ils ne se prononcent pas plus sur les conséquences de la déclaration d’indépendance ou, de façon plus large, sur le droit à faire sécession.
Pristina n’a pas violé le droit international
Pour les juges, la déclaration adoptée au Parlement à Pristina n’a « ni violé le droit international général […] ni la résolution 1244 » adoptée par le Conseil de sécurité des Nations unies le 10 juin 1999, suite aux combats entre les forces serbes et les sécessionnistes albanais du Kosovo, qui avaient pris fin suite à l’intervention de l’OTAN. Cette résolution mettait en place une administration provisoire au Kosovo, province autonome de Serbie, « visant à répondre à la crise » humanitaire, ont-ils estimé. La mise en place d’institutions sous la houlette de la Mission des Nations unies au Kosovo (Minuk) s’était « substituée à l’ordre juridique serbe et visait à stabiliser » la province, de façon « temporaire ». La résolution 1244 prévoyait des négociations politiques sur le futur statut du Kosovo. Mais les « auteurs » de la déclaration « avaient pris conscience de l’échec des négociations ».
Le conflit entre Belgrade et Pristina reste entier
Immédiatement après l’audience, le ministre kosovar des Affaires étrangères, Skender Hyseni, a salué « un jour historique pour le Kosovo ». « L’indépendance du Kosovo a été reconfirmée internationalement », a-t-il estimé. De son côté, le ministre serbe des Affaires étrangères, Vuk Jeremic, a réaffirmé que Belgrade ne reconnaîtrait « jamais » l’indépendance du Kosovo, avant d’ajouter que la question du statut du Kosovo serait débattue par l’Assemblée générale des Nations unies en septembre.
Si les deux Etats se disent prêts au dialogue, la Serbie veut revenir à la situation qui précédait la déclaration unilatérale d’indépendance de 2008, et défend les dispositions de la résolution 1244, qui prévoyait une solution négociée et acceptée par les deux parties. De son côté, Pristina n’accepte que de débattre de questions « pratiques », « d’Etat à Etat ».
Les réactions à l’avis de la Cour laissent apparaître les mêmes lignes de front sur la question du Kosovo. Moscou, allié traditionnel de la Serbie, a réaffirmé qu’elle ne reconnaîtrait pas la déclaration d’indépendance et appelé à une négociation sur le statut. Le ministre des Affaires étrangères français, Bernard Kouchner, qui avait administré le Kosovo pour les Nations unies suite à la résolution 1244, a affirmé que l’indépendance est « irréversible ». Les Etats-Unis, qui avaient soutenu les indépendantistes dès le début de la guerre, ont invité l’Europe à se « ranger » derrière la décision.