Relance du projet d’exportation du pétrole kényan de Turkana

C'est un serpent de mer vieux de plus de 25 ans, l'exportation du pétrole kényan. De l'or noir a été découvert dans la région du Turkana, dans le nord, dès 1992. Des études supplémentaires et de nouvelles découvertes, notamment en 2012, ont évalué les réserves à environ 1 milliard de barils. Le Kenya s'est alors vu comme un grand exportateur africain de pétrole. Mais le pays a confondu vitesse et précipitation. Le premier baril n'a toujours pas été exporté.

Le Kenya s'est trop vite rêvé comme un membre du club fermé des pays exportateurs de pétrole. En 2012, des découvertes ont montré que le Turkana possédait des réserves suffisantes pour l'exportation. Nairobi s'est alors engagé dans de longues négociations avec l'Ouganda voisin, où d'importants gisements avaient aussi été découverts. Le Kenya a proposé un partenariat pour que l'or noir ougandais passe par le Turkana et son futur pipeline relié à Lamu, sur la côte. Une route jugée trop longue et pas assez sécurisée par Kampala, qui craignait une attaque des terroristes somaliens shebabs.

En 2015, les deux pays ont finalement signé un accord de 4 milliards de dollars pour un transfert via le Turkana. Nairobi s'engageant à prendre en charge une grande partie de l'assurance. Mais le compromis a échoué. Contre toute attente, l'Ouganda a choisi de faire passer son pétrole brut par la Tanzanie.

Le bec dans l'eau, le Kenya a alors décidé de construire son pipeline seul, au risque de faire exploser la facture. Le pays a même voulu à tout prix commencer l'exportation de son pétrole dès juin 2017. En attendant la construction du pipeline vers Lamu et ses 100 000 barils par jour, il a monté un projet pour en transporter 2 000 au quotidien, par la route jusqu'à Eldoret, puis en train jusqu'à Mombasa et l'océan. Une idée qui réclamait des millions de dollars d'investissement.

Beaucoup se sont interrogés, jugeant le coût élevé. Alors que le prix de l'or noir était en chute libre, certains ont parlé d'une stratégie électoraliste, juste avant la présidentielle d'août. D'autres ont même accusé les politiques d'être aveuglés par les futurs profits de l'or noir.

Finalement, à la dernière minute, le projet a été repoussé sine die. Les rénovations des routes et des réservoirs n'avaient pas été réalisées, faisant penser que le gouvernement avait voulu aller plus vite que la musique. De plus, la compagnie pétrolière britannique Tullow, premier opérateur dans le Turkana, a enregistré trois années de pertes. Enfin le Kenya a connu une longue crise post-électorale, ce qui a mis en suspens son projet de loi pétrole, indispensable avant toute exportation.

Depuis janvier, tout a été relancé. Tullow a renoué avec le profit, et annoncé que les premiers pipelines et les premiers barils seraient exportés d'ici 2022. Le français Total s'est joint au projet. Le gouvernement a promis les premiers transports par la route dans le courant de l'année. Rien n'est moins sûr, diront les sceptiques.

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