Cet économiste, ancien de la Banque centrale du Portugal, en poste aux Finances depuis deux ans, a le pedigree intellectuel du poste. En revanche, son profil politique aux antipodes de celui qu'il pourrait remplacer n'en fait pas sur le papier un candidat évident.
Pour soigner son pays éreinté par la crise de la dette, Mario Centeno prône des hausses ciblées des dépenses. De quoi choquer le Néerlandais Jeroen Dijssebloem, qui lui ne rate pas une occasion de dénoncer le laxisme budgétaire des pays du Sud. « Vous ne pouvez pas dépenser tout l'argent dans l'alcool et les femmes et ensuite demander de l'aide », ose-t-il encore au mois d’avril.
Mario Centeno a donc fait le pari de la relance budgétaire
Dans le budget qu’il a présenté pour 2018, il fait des cadeaux aux salariés du privé comme aux fonctionnaires en abaissant leurs impôts. Et en même temps, il demande un effort supplémentaire aux entreprises les plus profitables en augmentant les taxes sur les bénéfices.
Plutôt gonflé pour un pays qui vient de sortir de la procédure pour déficit excessif. Et bien malgré cette politique en rupture avec l’orthodoxie budgétaire prêchée à Berlin, il a reçu la bénédiction du gardien du temple de l’euro, l’Allemagne, qui soutient sa candidature avec la France, l’Italie et l'Espagne.
Comment fait-il pour mettre d’accord le sud et le nord de la zone euro ?
Dans ce choix interviennent pas mal de petits calculs politiciens dus à la répartition des postes au sein des instances européennes en fonction des pays et de la couleur politique. Mais s’il rassemble autant, c'est surtout parce que sa politique budgétaire généreuse se révèle payante. Depuis son arrivée au pouvoir dans le gouvernement social-démocrate formé par Antonio Costa, il a réussi à relancer la consommation en soulageant les ménages.
La croissance est revenue : + 2,6 % cette année, grâce au tourisme et aux exportations. Et le chômage est passé en dessous de la barre des 10 %, alors qu’il dépassait les 17 % en 2013. Tout ça en restant dans les clous du traité budgétaire. L’an dernier, le déficit est passé en dessous de la barre des 3 %. Le Portugal pense arriver à l'équilibre en 2020. Un vrai miracle.
C’est le représentant du bon élève de la classe euro qui pourrait être fait roi aujourd’hui ?
Le représentant d'un pays qui a encaissé sans broncher une cure d'austérité drastique en échange du soutien financier du FMI et de l'UE à partir de 2011. Bien sûr, tout n’est pas rose au Portugal. La dette est encore l’une des plus lourdes de la zone euro - elle représente 130 % du PIB -, l’investissement public s’est tari et les réformes structurelles sont loin d’être terminées. Mais après ces années de privation, le gouvernement portugais a redonné du pouvoir d’achat et de la confiance aux citoyens, sans déclencher les foudres des grands argentiers européens.
Face à ces supporters qui ressemblent souvent à des adversaires, Mario Centeno dribble comme un champion. La métaphore footballistique s’impose pour expliquer son surnom, « Ronaldo ». Comme le célèbre international portugais Cristiano Ronaldo. Et c'est l'ancien ministre allemand des Finances, Wolfgang Schaüble, qui l'a dit en premier. Venant d’une grande nation du ballon rond et des comptes ronds, cet hommage équivaut à un ticket gagnant pour le poste convoité de président de l'Eurogroupe.