Expulsé de Lampedusa, un migrant tunisien témoigne

C'est l'une des première fois que le hotspot de cette île minuscule de 6 000 habitants refoule des migrants tunisiens. Un accord dans ce sens a été signé en février dernier à Rome alors que l'Italie cherche à accélérer les rapatriements et les expulsions de migrants hors de ses frontières. Othman Berrahil, un jeune tunisien chômeur, avait pris la mer avec son frère, en octobre dernier, direction l'Italie, mais ils étaient tous les deux refoulés en Tunisie au bout de quelques jours de séjour dans un centre de rétention provisoire, un hotspot à Lampedusa. Son témoignage est recueilli par Houda Ibrahim, à son retour dans son village situé au sud-ouest de la Tunisie.

Othman Berrahil  : Ils nous ont refoulés après avoir réussi à atteindre l’Italie. Nous sommes partis à bord d’un petit bateau de pêche, et nous étions 120 personnes tous de Redeyef, dont une seule femme, mais le bateau est tombé en panne. Quelques heures après, deux bateaux d’escorte italiens sont venus, ils nous ont emmenés à Lampedusa en Italie.

Nous étions retenus dans un centre de tri, où ils ont pris nos empreintes, ils ont laissé sortir certains parmi nous. Souvent, ils laissent partir les femmes. C’est plus facile pour elles que pour les hommes. Les filles sont rapidement relâchées, et elles ont des papiers qui leur permettent de rester. Dans ce centre, nous étions près de mille personnes, ils nous disaient tous les jours qu’ils allaient nous laisser sortir, mais sans le faire.

RFI : Comment s’est déroulé le refoulement ?

Un jour, ils nous ont appelés, ils nous ont informés que nous allions sortir. Mais nous avons été transportés à bord d’un avion vers Palerme, pieds et mains ligotés. À Palerme, nous avons rencontré le consul tunisien, il nous a demandé de rentrer, car à Redeyef il y a du travail, j’ai répondu que non. Il n’y a jamais de travail chez nous, personne ne voulait rentrer, j’ai dit au consul : "tuez-nous, mon frère et moi, mais nous ne voulons pas rentrer".

Personne ne voulait rentrer, mais ils nous ont obligés. On était cinquante et nous avions les pieds et les mains ligotés et chacun de nous était entouré de deux policiers. Comme, ils nous ont forcés à rentrer, certains de nos camarades à Lampedusa ont entamé une grève de la faim.

Que faisiez-vous en Tunisie comme travail et que comptez-vous faire maintenant ?

Moi, je n’avais pas de travail et je prenais ce qui se présentait, au marché, dans le bâtiment. Mais il n’y a pas de travail, alors qu’on cherche juste de quoi se nourrir. Après, ils nous demandent pourquoi on brûle ! J’ai payé 6 000 dinars pour la traversée, l’équivalent d’un peu plus de 2 000 euros, et nous sommes partis de la ville de Sfakès.

À notre retour, les policiers tunisiens nous ont volé notre argent, j’avais échangé une somme importante avant mon départ, ils nous ont également insultés.

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