De notre correspondant régional,
En théorie, plus rien ne s’oppose à la formation d’un gouvernement par le chef de l’opposition sociale-démocrate Zoran Zaev, et le président Gjorge Ivanov devrait lui remettre cette charge ce mardi 28 février 2017 ou au plus tard le mercredi 1er mars. Lundi 27 février, Zoran Zaev lui a déposé les signatures de 67 députés, qui représentent donc la majorité des 120 membres du Parlement macédonien.
Outre les élus de l’Alliance des sociaux-démocrates de Macédoine, il a le soutien des députés de tous les partis albanais, même si le principal d’entre eux, le BDI, doit encore préciser s’il souhaite participer au gouvernement ou s’il se contentera d’un soutien sans participation. Lors des élections du 11 décembre dernier, les nationalistes du VMRO-DPMNE étaient arrivés légèrement en tête, avec 51 élus contre 49 pour les sociaux-démocrates, mais ils ont dû jeter l’éponge, faute, justement, d’avoir pu trouver des partenaires de coalition albanais.
Le parti nationaliste lâché par la population
Le VMRO-DPMNE accuse les sociaux-démocrates d’avoir accédé à toutes les revendications albanaises, au risque de mener le pays vers la partition. C’est le grand argument du Premier ministre sortant, Nikola Gruevski. Il dénonce la « plateforme » adoptée par les partis albanais de Macédoine après une rencontre à Tirana, accusant même le gouvernement de l’Albanie voisine d’immixtion dans les affaires intérieures de la Macédoine. Cette plateforme prévoit notamment la co-officialité de la langue albanaise dans le pays, avec le macédonien, mais en réalité, c’est beaucoup de bruit pour peu de choses : au pouvoir depuis 2006, le VMRO-DPMNE a lui-même toujours gouverné avec un partenaire albanais et les accords d’Ohrid, qui ont mis fin au conflit armé qui avait déchiré le pays en 2001, prévoient de larges droits pour la minorité albanaise - qui représente entre 20 % et le quart de la population du petit pays.
Le VMRO-DPMNE joue la carte de l’unité nationale menacée et en appelle au peuple, mais lundi soir 27 février, seules quelques dizaines de personnes se sont rassemblées devant le siège du gouvernement à l’appel du parti et de quelques petits mouvements ultra-nationalistes macédoniens. Il semble donc bien qu’une page soit en train de se tourner.
Un défi: se libérer de dix ans de régime autoritaire
Depuis 2006, Nikola Gruevski avait pourtant mis en place un régime de plus en plus autoritaire, pour tenter d’empêcher toute alternance ; un régime autoritaire et corrompu, limitant la liberté de la presse, plaçant les ONG ou le système judiciaire sous contrôle. Empêché de s’exprimer, l’opposition avait la choisi la rue pour se faire entendre, et la Macédoine a connu aux printemps 2015 et 2016 de vastes mouvements de protestation, qui dépassaient largement les rangs sociaux-démocrates. Il a fallu la médiation de l’Union européenne pour imposer au VMRO-DPMNE les élections anticipées de décembre même si, en vérité, Bruxelles, est resté relativement peu active face à la crise dans laquelle s’enfonçait le pays.
La Macédoine est, en effet, considérée comme la clé de la stabilité de l’ensemble des Balkans : elle se trouve sur la route des réfugiés et des migrants qui tentent de rejoindre l’Europe occidentale, et le régime de Nikola Gruevski avait effectué un rapprochement marqué tant avec la Russie de Vladimir Poutine qu’avec les pays conservateurs européens du « groupe de Visegrad ».
Une alternance pacifique pourrait donc rebattre pas mal de cartes dans l’ensemble de la région, mais il reste encore à savoir si le nouveau gouvernement parviendra à imposer son autorité, à libérer la justice, la police, les services, l’économie et l’ensemble de la société de la lourde tutelle que le VMRO-DPMNE faisait peser depuis dix ans. Même s’ils sont contraints de quitter le pouvoir, les nationalistes macédoniens n’ont nullement l’intention d’abandonner la partie et pourraient encore tenter de jouer la carte des provocations intercommunautaires.