C’est le terme utilisé par François Fillon hier pour qualifier l’article du Canard enchaîné sur le supposé emploi fictif de son épouse aux frais du contribuable. Nous en parlions déjà hier : Penelope Fillon a été employée par son mari comme assistante parlementaire durant des années, ce qui n’est en rien illégal, mais le soupçon pèse sur la réalité de cet emploi.
« Qu’est-ce qu’une 'boule puante' ?, nous rappelle La Croix. Une histoire aux relents de scandale qui est lancée sur la scène publique à un moment choisi pour porter tort à un acteur politique. Par exemple à l’orée d’une campagne présidentielle. C’est ce qui s’est donc passé hier (…). Voilà qui rappelle furieusement, pour prendre ce seul exemple, la publication, en 1972, de la feuille d’impôts de Jacques Chaban-Delmas par le même Canard enchaîné qui avait affaibli les chances de cet autre Premier ministre d’accéder un jour à l’Élysée. »
Attention, prévient La Croix, « il est important, en pareil cas, de faire preuve de prudence et de ne pas céder à l’emballement général. Les faits à ce stade ne sont pas établis. Le parquet national financier a annoncé le jour-même l’ouverture d’une enquête préliminaire. »
« Les boules puantes, c’est bien connu, sont vieilles comme les campagnes présidentielles », renchérissent Les Echos. (…) L’affaire judiciaire n’en est qu’à ses débuts. Mais politiquement, le coup est d’ores et déjà très rude pour François Fillon, estime le quotidien économique. Il vient toucher son identité même, celle de l'homme intègre qui a "le courage de la vérité" [son slogan] (…). L’affaire percute aussi le cœur de son message présidentiel. Faire des "efforts", économiser l’argent public en réduisant de 500 000 le nombre de fonctionnaires, lutter contre l’assistanat… Comment, s’interrogent Les Echos, François Fillon peut-il continuer à tenir un tel discours quand pèse sur lui le soupçon d’un emploi fictif pour sa femme, sur de l’argent public qui plus est ? A droite, ceux qui jugeaient la potion Fillon déjà amère pensent désormais qu’elle ne peut plus passer. Un grand doute est en train de s’installer. »
Parfum désagréable
En effet, s’exclame Libération, « s’il se confirme, comme le soutient le Canard enchaîné, que la présence de Penelope Fillon au travail est aussi mythique que la tapisserie de son homonyme de l’Odyssée, François Fillon se retrouvera au cœur d’une tempête difficile à apaiser. Il a en effet construit, non seulement son programme, mais aussi son personnage, sur les idées de rigueur, de sobriété, de sacrifice financier et de morale publique. » Et « il ne suffira pas, poursuit Libération, de dénoncer les "boules puantes" qui infestent régulièrement les campagnes politiques. Le parfum désagréable, dans cette affaire, ne vient pas de l’opposition ou de la presse, mais des intéressés eux-mêmes. Un peu comme un prêtre pécheur, François Fillon doit expliquer ses contradictions aux fidèles. A trois mois du scrutin décisif, l’exercice est périlleux. »
Du côté de la presse d’opposition, peu ou pas de commentaires… Le Figaro se borne à rappeler les faits et s’attarde sur la vive réaction de François Fillon, qui promet de « se battre pour son honneur. »
Quant à L’Opinion, il qualifie cette affaire « d’épisode de plus dans le long feuilleton des petits et grands scandales politiques, entre boules puantes, dérapages et règlements de compte. Un pas de plus en direction de la société de défiance, cet état d'esprit collectif si caractéristique des pays malades. »
En tout cas, « l’affaire Fillon est désormais une affaire judiciaire », relève Le Parisien. « Le parquet national financier a ouvert une enquête préliminaire. Les investigations, confiées à l’Office central de lutte contre les infractions financières et fiscales, visent officiellement deux volets distincts du dossier. Le détournement de fonds public et recel d’abord. Il porte sur le statut d’attachée parlementaire de Penelope Fillon et des quelque 500 000 € brut perçus lorsqu’elle était employée par son mari et son suppléant entre 1998 et 2007, puis à nouveau en 2012. (…) Les enquêteurs vont tenter de vérifier la réalité du travail effectué par cette discrète femme d’origine galloise. »
Et puis autre volet : « les soupçons d’abus de biens sociaux et recel. Cette fois, ce sont les activités - réelles ou supposées - de Penelope Fillon à la 'Revue des deux mondes' qui seront examinées. »
Primaire de la gauche : comment rassembler ?
A la Une également, le débat final de la primaire de la gauche… « Valls et Hamon affichent leurs divergences mais évitent le clash », pointe Le Figaro. « Au terme de ces deux heures franches mais sans dérapage, la question de fond demeure, commente le journal : comment le vainqueur de cette primaire pourrait-il élargir l’assise rétrécie comme jamais du parti socialiste. Les deux hommes ont prétendu rassembler. Hamon plus à gauche en intégrant Mélenchon dans le camp de "sa" gauche ; Valls plus à droite en associant Macron à la sienne. Mais, relève encore Le Figaro, qui imagine que l’un ou l’autre ait la capacité d’arrimer à eux ou Mélenchon ou Macron. Hamon et Valls ont peut-être évité la casse, mais n’ont plus les moyens de reconstruire. »
Finalement, remarque La République des Pyrénées, « chacun est resté dans son couloir. L’un, Valls, visait la qualification face à Fillon et Marine Le Pen, alors que Benoit Hamon, désireux, comme il l'a dit, de "proposer un futur désirable, propulser un imaginaire puissant", semblait avec ses propositions plus doctrinales, vouloir faire chanter les lendemains socialistes et se positionner beaucoup plus dans la conquête du pouvoir à l’intérieur du PS. »
Libé tout en BD
Enfin, numéro spécial de Libération ce matin : « Libé tout en BD », à l’occasion du Festival de bande-dessinée d’Angoulême. En lieu et place des photos, donc, des dessins… La BD d’ailleurs élargit son champ d’application, relève Libération. On assiste en effet depuis ces dernières années à l’essor de la BD de non-fiction. BD historique, BD documentaire, BD politique, BD sociologique… Ce que Libération appelle « la BD savante » : un « moyen de fédérer à la fois les lecteurs d’essais traditionnels et les amateurs de contenus plus décalés. »
Et cela permet de « faire passer de la complexité comme une évidence. (…) Par exemple, en mathématiques, il s’avère plus facile de comprendre l’arbre des probabilités par le dessin que dans le texte ou oralement. L’image a ce pouvoir d’évocation que le texte n’a pas forcément. »
Manière de revisiter ce vieil adage : un bon dessin vaut mieux qu’un long discours…