Ça promet… Le débat, qui va opposer ce soir sur France 2, les deux finalistes de la primaire de la droite et du centre, ce débat a déjà commencé par déclarations interposées, avec des amabilités inhabituelles de part et d’autre. Surtout de la part d’Alain Juppé, « contraint d’attaquer à tout-va son adversaire », souligne Le Monde. « La statue girondine s’est mise en mouvement, constate le quotidien du soir. Après s’être reposé pendant des mois sur son matelas de bons sondages, Alain Juppé est passé à l’offensive. Il n’avait de toute façon pas le choix, pointe Le Monde. Avec près de seize points de retard, l’heure n’est plus à la tergiversation. Et pour aller chercher François Fillon propulsé à 44,1 % des suffrages, dimanche soir, l’ancien favori a décidé d’assumer le combat des deux droites. Celle moderne et réaliste dont il serait l’incarnation. Et l’autre, celle de François Fillon, "extrêmement traditionaliste, pour ne pas dire rétrograde", selon les mots d’Alain Juppé, lundi soir, devant ses soutiens. Ce clivage entre progressistes et réactionnaires, entre modérés et radicaux, occupe tout l’espace de la droite depuis vingt-quatre heures. »
Alain Juppé « a fendu l’armure, renchérit Le Parisien, chaussé ses bottes de sept lieues, et est redevenu l’animal politique qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être. Ce soir, dans un duel aux faux airs de western spaghetti, il jouera son va-tout. Pas sûr que cela suffise à rétablir la situation d’un homme qui ne semble plus en phase avec le cœur de son électorat… »
Les Dernières Nouvelles d'Alsace ne croient pas à retour du maire de Bordeaux : « cette élection, il l’a déjà perdue, et la seule infinitésimale chance qu’il lui reste est de rallier à sa cause les voix de gauche et du centre, mais surtout celles de gauche. La tactique est grossière, mais il n’est plus vraiment temps de finasser. »
Malgré tout, pointe Le Républicain Lorrain, « dans ce contexte où les torgnoles répondent aux bourre-pifs, il est à espérer que le débat de ce soir soit respectueux à défaut d’être courtois. »
Libéralisme de bon aloi
Le Figaro calme le jeu. Pour le quotidien d’opposition, le clivage n’est pas si profond que ça entre Fillon et Juppé… Du moins pour ce qui concerne le volet économique et social de leur programme. « A quelques nuances et différences de style près, les deux candidats défendent un libéralisme de bon aloi, se félicite Le Figaro, qui soutient l’entrepreneuriat, la croissance et l’emploi, et qui ramène l’État-providence à de plus raisonnables proportions. (…) Ce que proposent François Fillon et Alain Juppé est en réalité le minimum vital pour que l’économie française ait une chance de se redresser, estime Le Figaro. Tailler massivement dans la dépense publique et dans les effectifs de fonctionnaires ? C’est la première urgence dans un pays qui croule sous les déficits, la dette et les prélèvements obligatoires. En finir avec les 35 heures, baisser les charges des entreprises ? C’est une nécessité absolue quand on compte 3,6 millions de chômeurs. Supprimer l’ISF ? C’est une évidence lorsque l’on cherche des investisseurs pour nos entreprises. Repousser l’âge de la retraite ? C’est un impératif si l’on veut sauver notre système par répartition. »
Comme une odeur d’encens…
Pour sa part, Libération se penche sur l’aspect sociétal des projets des deux candidats et s’inquiète de l’influence du religieux dans la compétition entre Juppé et Fillon… Avec cette photo d’un chapelet qui dessine les contours de la France et ce titre, « au secours, Jésus revient ! (…) Après la querelle identitaire, voilà donc que l’IVG et les droits des homosexuels reviennent dans le débat. Et avec elle, constate donc Libération, le poids d’une droite catholique en plein réveil, qui semble avoir fait de François Fillon son nouveau champion - à l’instar de Sens commun, une émanation de la Manif pour tous, rangée derrière l’ex-Premier ministre. »
Commentaire agacé de Libération : « on était rentré de vacances en pleine fièvre burkinisante. On s’approche de la fin de l’année dans une odeur d’encens. Encore un peu et ceux qui croient au ciel imposeront leur loi à ceux qui n’y croient pas (…). Au communautarisme réel ou supposé des juifs et des musulmans s’oppose maintenant un communautarisme catholique qui n’est pas plus affriolant. (…) A l’heure où le chômage, la désindustrialisation, la crise financière ou les menaces géopolitiques devraient occuper les esprits, on se déchire sur le voile, les crèches, le porc à la cantine, la famille tradi et sa filiation sacrée qui pointe du doigt les homosexuels. »
Et Libération de conclure : « les convictions religieuses sont respectables quand elles se cantonnent à la sphère privée. En politique, elles sont d’abord promesse de discorde. Comme on le sait, le sabre n’est jamais loin du goupillon. »
Et les autres candidats dans tout cela ?
Emmanuel Macron passe à l’offensive… « A l’heure de la confrontation finale à droite, relève La Nouvelle République du Centre ouest, et au moment de l’office cathodique, ce soir sur un plateau télévisé, voici qu’Emmanuel Macron vient distraire l’électorat en publiant sa profession de foi (intitulée Révolution). Il est jeune, il est neuf, il a des idées, c’est exaspérant. »
« La sortie de Révolution annonce, à coup sûr, un programme de changement, estime La Presse de la Manche. Il prend de l’avance, par rapport à François Hollande qui devrait, nous dit-on, lever le voile le 10 décembre prochain sur son éventuelle candidature aux primaires du Parti socialiste. (…) Les candidats de la droite et du centre débattent, Emmanuel Macron propose son livre aux Français, et François Hollande reste paisible, face à toute cette agitation. Après tout, ironise le quotidien normand, nous ne sommes plus qu’à cinq mois de l’échéance. »
En tout cas, « François Hollande a devant lui, l’un des plus grands défis de sa vie politique, pointe Le Midi Libre : la reconquête d’un électorat en déshérence. Pas une mince affaire compte tenu d’un bilan inaudible. Pour arriver à ses fins, le président de la République possède un atout majeur : son art de la synthèse et son sens de la politique au moment des joutes frontales. Le chef des armées sait qu’il lui reste encore des troupes pour aller au front. Elles n’attendent plus qu’un feu vert pour dégainer. Une question de jours. »