Pensez-vous que le pape puisse faire avancer les choses ?
Abbé Léonard Santedi: Le pape François suit de près la situation en République démocratique du Congo mais aussi dans d’autres pays, en tant que grand défenseur de la paix et de la justice. Par conséquent, nous sommes heureux que Son Excellence Monseigneur le nonce apostolique puisse le rencontrer et qu’au menu de leur rencontre, il puisse y avoir une parole peut-être du Saint-Père pour la paix dans le pays, comme l’Eglise elle-même est engagée à ce qu’il y ait la paix et que l’on puisse éviter le chaos en RD Congo.
A la Cenco, vous êtes aussi impliqués dans le processus de dialogue politique. Croyez-vous que ce dialogue, qui vient de s’ouvrir entre le pouvoir et une partie de l’opposition, peut permettre l’organisation rapide d’élections ?
L’Eglise demande qu’il y ait davantage de mesures de décrispation et que ce dialogue se fasse dans le respect des fondamentaux de la Constitution. Si on s’engage dans ces lignes-là, il est possible que l’on arrive à relancer le processus électoral qui, à l’heure actuelle, est dans l’impasse.
« Mesures de décrispation », par exemple lesquelles ?
Dans l’échange que la Cenco a pu avoir avec les acteurs politiques - aussi bien de la majorité que de l’opposition - il a été question des libérations des prisonniers politiques et d’opinion. Il y a des points encourageants qui ont déjà été faits. Il reste des prisonniers qui se trouvent dans la même situation que ceux qui ont été libérés et donc l’Eglise - notamment le président de la Cenco - en appelle à ce que l’on prolonge ces gestes-là, ces mesures de grâce. Il a lui-même remis une liste aux autorités gouvernementales pour examiner la faisabilité de continuer à libérer d’autres prisonniers politiques.
Est-ce que vous regrettez l’absence d’une partie de l’opposition ?
Effectivement, l’Eglise considère qu’un dialogue qui est ouvert aux grandes familles de l’opposition a plus de chances d’aboutir à des résolutions consensuelles. C’est pour cela que le président de la Conférence épiscopale continue - même si le dialogue a déjà commencé - à rencontrer les acteurs politiques de l’opposition mais aussi de la majorité et à essayer de créer des passerelles. Si on peut encore avoir d’autres acteurs de l’opposition, ce serait une bonne chose pour le pays. En tout cas, pour le moment, c’est quand même regrettable qu’on ne puisse pas avoir tous ces grands acteurs autour d’une table.
Ces opposants qui ne participent pas au dialogue pensent que ce dialogue est un leurre et que le pouvoir ne respectera pas, de toute façon, les délais constitutionnels. Vous qui essayez de faciliter ce dialogue, est-ce que vous n’avez pas l’impression de tomber, d’une certaine façon, dans un piège du pouvoir ?
En tout cas, le communiqué donné par le président de la Conférence épiscopale, est clair. Il a invité ceux qui sont au dialogue à ne pas trahir la Constitution, tout en disant que l’Eglise ne pourra pas cautionner ce qui pourrait ressembler à cette trahison. Si on allait dans ce sens-là, l’Eglise serait d’ailleurs prête à quitter ce dialogue. Cependant et pour le moment, nous ne voulons pas faire de procès d’intentions. Nous appelons à la responsabilité de ceux qui sont au dialogue et on espère qu’ils vont travailler, en toute confiance, à redonner l’espoir au peuple dans l’organisation des élections qui soient crédibles, transparentes et démocratiques.
Si on prend un petit peu de recul maintenant, de quand date l’implication forte de l’Eglise dans la société et dans la politique congolaise, ce qui n’est pas le cas dans d’autres pays ?
L’Eglise catholique, dès les premières heures de l’indépendance en RD Congo, s’est toujours vraiment impliquée au plus épais de la condition humaine pour une société où il y aurait plus de justice et de paix. Il y a eu des tribulations aux premières heures de l’indépendance et l’Eglise a été très, très impliquée. Même pendant la deuxième République, on connait l’implication de l’Eglise pour la Conférence nationale souveraine. Apporter sa contribution est donc une tradition de l’Eglise catholique en RD Congo et c’est une contribution pour la construction d’une société qui soit juste, équitable et au service du bien-être de la population congolaise.