Affaire Savile au Royaume-Uni: la culture de la peur de la BBC

Les conclusions d’une enquête interne de la BBC sur les agissements pédophiles de son ancien présentateur vedette Jimmy Savile, mort en 2011, ont été rendues publiques ce jeudi 25 février 2016. Le rapport innocente la direction de la BBC d’une responsabilité directe mais critique une « culture de la peur » au sein de la corporation qui a permis à Savile d’agir en toute impunité durant des décennies.

Après trois ans d’enquête et après avoir entendu plus de 400 témoins, les conclusions de ce rapport sont glaçantes. Son auteur, Janet Smith, ancienne magistrate de la Cour d’appel, a dénombré 72 victimes de Jimmy Savile durant sa carrière à la BBC, dont huit ont été violées et 47 ont été victimes d'attouchements sexuels.

Trente quatre d'entre elles avaient moins de 16 ans au moment des faits et la plus jeune victime n'était âgée que de 8 ans. Jimmy Savile agissait dès que l'occasion se présentait et dans pratiquement chacun des locaux de la BBC où il a travaillé de 1959 à 2006.

Et si le rapport n’a trouvé aucune preuve que la direction de la BBC était au courant, il conclut que certains responsables juniors et de rang intermédiaire savaient et ont raté de très nombreuses occasions de dénoncer un prédateur sexuel qui s’est servi de sa notoriété pour parvenir à ses fins durant des décennies.

Janet Smith a d’ailleurs sévèrement critiqué une culture de la déférence envers les stars de la BBC qui les rendaient intouchables, mais aussi une attitude machiste qui imposait la loi du silence à son personnel.

Un rapport qui ne satisfait pas les victimes de Jimmy Savile

Ce rapport d’enquête ne satisfait pourtant pas vraiment les victimes de Jimmy Savile. L’avocate qui représente plus d’une centaine de victimes de l’animateur a critiqué le rapport et estimé qu’il était peu plausible que la hiérarchie à la BBC n’ait pas été au courant alors que beaucoup de témoins ont évoqué des rumeurs persistantes sur les agissements de Jimmy Savile. Elle a ajouté que ses clients se sentaient trahis et que c’était surtout un sentiment de déception et de colère qui dominait face à un rapport qui selon ces victimes, en majorité des femmes qui étaient de très jeunes filles à l’époque, ne fait pas toute la lumière et blanchit la BBC.

Le directeur général de la BBC, Tony Hall, a présenté ses excuses aux victimes et a évoqué un chapitre sombre et humiliant pour le groupe audiovisuel. Au cours d’une longue conférence de presse, il a loué le courage des victimes qui ont témoigné plusieurs décennies après les faits et admis que la direction du groupe à l’époque aurait dû faire plus pour que ses employés se sentent encouragés à exprimer leurs préoccupations et arrêter Savile.

Lord Hall qui est conscient des dégâts provoqués par ce rapport à la réputation d’une institution historique espère que la BBC va tirer les leçons de l’enquête pour ne pas perpétuer cette culture de peur et d’intimidation qui selon le rapport existe encore aujourd’hui au sein de la corporation.

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