Loin de faire flamber les cours du pétrole, le conflit irano-saoudien accélère en réalité leur plongeon. La tension s'est aggravée entre l'Iran et l'Arabie saoudite depuis l'exécution d'un dignitaire chiite par les autorités de Riyad. On pourrait voir les marchés pétroliers s'affoler de cet affrontement diplomatique entre les deux géants pétroliers. Pourtant, même si la volatilité s'est accrue depuis lundi, les cours du baril de Brent sont passés ce mercredi sous les 35 dollars en séance, leur plus bas niveau depuis onze ans et demi !
C'est que la vraie guerre irano-saoudienne se joue sur les débouchés du pétrole. Pas question pour la monarchie sunnite de laisser la république islamique chiite reprendre toute sa place sur le marché pétrolier mondial, après la levée, imminente, des sanctions contre Téhéran.
Alors c'est une guerre des prix que continue de mener l'Arabie saoudite, privée comme les autres pays exportateurs d'une grande part du marché américain depuis la «révolution» des pétroles de schiste aux Etats-Unis ; il s'agit de vendre la production saoudienne partout et à tout prix, pour ne pas se faire doubler par les concurrents.
Cette semaine, la compagnie nationale Saudi Aramco a encore baissé le prix de son brut en Europe, c'était un débouché majeur de l'Iran avant les sanctions, plus d'un quart des exportations pétrolières iraniennes en 2011. La monarchie saoudienne peut se permettre ce dumping, même si elle perd beaucoup de pétrodollars, son brut reste encore très rentable à produire. Dans cette guerre des prix, l'Iran n'est pas le seul ennemi bien sûr : la Russie, qui avait tenté de concurrencer l'Arabie saoudite en Asie, est prise à revers par le pétrole saoudien en Europe, pourtant marché traditionnel du pétrole russe, souligne Philippe Sébille-Lopez, consultant chez Geopolia.
L'Iran fera bien son retour sur le marché pétrolier mondial, mais dans les pires conditions s'agissant des prix du baril. C'est peut-être pourquoi les représentants de l'industrie iranienne se montrent plus modestes et n'affichent plus des objectifs d'exportation d'un million de barils par jour supplémentaire d'ici la fin de l'année. C'est l'équivalent du surplus mondial actuel de pétrole.